Marcel Bascoulard, le Diogène d’Avaricum 3


« La vie est amère lorsqu’on la boit sans sucre. » (Marcel Bascoulard, hiver 1977)


Autodidacte de génie, peintre, dessinateur et poète, Marcel Bascoulard (1913-1978) passa l’essentiel de sa vie à Bourges.

L’expression « artiste maudit » semble avoir été spécialement forgée pour cet homme au visage expressif encadré de longs cheveux grisonnants, aux traits accentués, au front

sillonné de rides, au regard grave, parfois traversé d’un éclair malicieux, fuyant la reconnaissance et le succès, préoccupé avant tout par son art et profondément marqué par la mort de son père en 1932, au cours d’un drame familial survenu à Saint-Florent-sur-Cher.

« On ne se souvenant plus de l’époque à laquelle il était apparu dans la ville », écrivit Henri Gillet en 1970… »Tout au long des mois et des saisons, on le voyait planté dans une rue, dessinant un monument, une vieille maison, quelques arbres en perspective…indifférent à ce qui l’entourait.

Pudique et excentrique, généreux et désabusé, rebelle et déchiré, d’une frugalité proverbiale, Marcel Bascoulard protégeait sans doute le coeur d’un enfant simple et sans défenses sous ses piquants de hérisson misanthrope.

Bien peu ont mesuré de son vivant l’étendue de ses dons…Il voyait pourtant ce que les autres ne voyaient pas et sa main relayait fidèlement son regard…

Noir, blanc, gris, encre de Chine, sépia, plume…les dessins de Marcel Bascoulard font rarement appel à la couleur, mais rien n’échappe à l’acuité de son coup d’oeil : pavés, enseignes, inscriptions, tuiles ou ardoises des toits, branches presque toujours dépouillées…Presque aucune créature humaine dans ses oeuvres, mais tout y trahit la présence de l’homme : volets ouverts, fenêtres éclairées…façades, ruelles, escaliers, cours intérieures, impasses, jardins abandonnés, tout y est rempli d’un mélange d’acuité sans sécheresse, de mélancolie et de mystère.

Un hommage tardif

Bien peu ont pressenti vers quel destin tragique le conduirait son existence marginale et précaire, bien peu lui ont tendu la main…Ils ne voyaient qu’une silhouette insolite, éternellement vêtue de la même blouse de couleur grisâtre, dessinant au hasard des rues, par tous les temps, et poussant devant elle un invraisemblable tricycle. Rares sont ceux qui l’approchèrent.

Longtemps il logea dans une maison vouée à la démolition à l’emplacement actuel du quartier « Avaricum », puis à Asnières, dans des baraques, et enfin dans la cabine ouverte à tous les vents d’un vieux camion.

Indifférent au froid, à peine vêtu, il préférait la compagnie de ses chats à celle des hommes.

Un soir d’hiver, la mort qu’il avait attendue et pressentie sans la craindre, vint tragiquement le délivrer de sa solitude.

Un buste de Marcel Bascoulard, réalisé par André Regard (1921-1998), orne la petite place qui lui est dédié, derrière la rue Mirebeau, au coeur de ce vieux Bourges qu’il avait passionnément aimé et dessiné, traduisant pendant près de quarante ans, en témoin attentif et fidèle, les transformations de cette cité avec laquelle il avait fini par faire corps.

Ouvrages sur Marcel Bascoulard :

Bascoulard, ouvrage édité en 1978 par l’Office Municipal des Sports, de la Jeunesse et de la Culture de la Ville de Bourges, textes de présentation de Jean Favière, maquette de Georges Pattitucci.

Bascoulard, un magnifique album grand format de 287 pages, paru en 2000 chez Arts et Photos Editions à Saint-Avertin, réalisé par Didier Guilbert, Michel Berger et Patrick Martinat, comportant une riche biographie, des témoignages, des documents photographiques, des commentaires et des reproductions de toutes les oeuvres de l’artiste connues au moment de la publication de l’ouvrage.

Adieu…Paradis, texte de Madame Rita Parissi, déposé à la Bibliothèque municipale de Bourges : un témoignage direct, plus proche qu’aucun autre, souvent cité dans les deux ouvrages précédents.


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3 commentaires sur “Marcel Bascoulard, le Diogène d’Avaricum

    • TOULOUSE-LAGACHE Corinne

      Petite fille j’arpentais les rues de Bourges dans les années 70 et je m’arretais toujours devant ce grand Monsieur qui dessinait assis sur les marches de la poste de Bourges, toujours avec son tricycle. Il m’arrivait parfois de lui parler, mais les seules paroles qu’il me disait étaient : « oh oui oh oui » avec cette voix rauque et lente….