L’Algérie
Les hasards étranges de la vie,
Mettant un terme à nos turbulences,
Nous ont un beau jour tous réunis
Pour nous mettre au service de la France.
Il a alors fallu tout quitter
Parce que, disait-on, l’Algérie,
Cette terre où nous n’étions pas nés,
Etait aussi notre chère patrie.
C’est ainsi que, bien brutalement,
On se retrouva sur un piton
Pour étouffer un soulèvement
Dont on ignorait les vraies raisons.
Au nom de quoi nous sommes-nous battus,
Au nom de quel intérêt majeur,
Au nom de quelle liberté perdue
Face à ceux qui défendaient la leur ?
Car voyez-vous mes frères de combat
Sans la volonté de liberté,
Aucune armée au monde ne saura
Gagner une guerre et la justifier.
C’est si vrai, qu’aujourd’hui l’Algérie
Qu’on appelait encore hier la France
A tenu cet énorme pari
Et a gagné son indépendance.
Oh, je n’ai aucune nostalgie
Si ce n’est notre jeunesse perdue.
Bien heureux d’être ici aujourd’hui
Mais triste pour tout nos disparus
Tout ceux pour qui, la dernière vision
D’un soleil levant dans un ciel bleu
Ne verront jamais plus l’horizon,
Ne verront jamais plus leur chez eux.
Je n’oublierai jamais le regard
De ces jeunes qui n’avaient que vingt ans
Pour eux cessera le cauchemar,
Mais qu’aurons-nous gagné pour autant?
« On croit mourir pour la patrie; on meurt pour des industriels »
Anatole France (1901)