Passeurs de poèmes : le choix de Christine 1


coute

Les Petits chats / Gaston Couté

Hier, la chatt’ gris’ dans un p’quit coin
D’ nout’ guernier, su’ eun’ botte de foin,
Alle avait am’né troués p’quits chats ;
Coumm’ j’pouvais pas nourri’ tout ça,
J’ les ai pris d’eun’ pougné’ tertous
En leu-z-y attachant eun’ grouss’ piarre au cou.

Pis j’ m’ai mis en rout’ pour l’étang ;
Eun’ foués là, j’ les ai foutus d’dans ;
Ça a fait : ppllouff!… L’ieau a grouillé,
Et pis pus ren !… Ils ‘tin néyés…
Et j’sé r’parti, chantant coumm’ ça :
« C’est la pauv’ chatt’ gris’ qu’a pardu ses chats.  »

En m’en allant, j’ai rencontré
Eun’ fill’ qu’était en train d’ pleurer,
Tout’ peineuse et toute en haillons,
Et qui portait deux baluchons.
L’un en main ! c’était queuqu’s habits ;
L’autr’, c’était son vent’e oùsqu’était son p’quit !

Et j’y ai dit : « Fill’, c’est pas tout ça ;
Quand t’auras ton drôl’ su’ les bras,
Coumment don’ qu’tu f’ras pour l’él’ver,
Toué qu’as seul’ment pas d’ quoué bouffer?
Et, quand mêm’ que tu l’élév’rais,
En t’ saignant des quat’ vein’s… et pis après ?

Enfant d’ peineuse, i’ s’rait peineux ;
Et quoiqu’i fasse i’ s’rait des ceux
Qui sont contribuab’s et soldats…
Et, – par la tête ou par les bras
ou par… n’importe ben par où ! –
I’ s’rait eun outil des ceux qu’a des sous.

Et p’t-êt qu’un jour, lassé d’ subi’
La vie et ses tristes fourbis,
I’ s’en irait se j’ter à l’ieau
Ou s’foutrait eun’ balle dans la pieau,
Ou dans un bois i’ s’accroch’trait
Ou dans un « cintiéme » i’ s’asphysquerait.

Pisqu’ tu peux l’empêcher d’ souffri,
Ton pequiot qu’est tout prêt à v’ni,
Fill’, pourquoué don’ qu’ tu n’ le f’rais pas ?
Tu voués : l’étang est à deux pas.
Eh ! bien, sitout qu’ ton p’quiot vienra,
Pauv’ fill’, envoueill’-le r’trouver mes p’tits chats !…  »

cintiéme = appartement au cinquième étage
eun = un, une
guernier = grenier
néyés = noyés
oùsqu = où
pougné = poignée
p’quit = petit
sé = suis
troués = trois
tertous = tous

Celui-là, je n’ai pas osé le dire lors de notre après-midi poétique de Chermedia… Trop dur peut-être ! Mais tellement bouleversant !


A propos de Christine Perrichon

Les autres... Mes copains d'école... Eux, ils jouaient aux pompiers, à l'école, au docteur... Moi ? A la bibliothécaire : j'avais même fait des fiches dans mes livres pour pouvoir les prêter... Ajoutez à ça d'avoir été pendant longtemps l'une des plus jeunes lectrices de la bibliothèque d'O. Et, chaque mercredi : " Quel est ton numéro de carte ? - 2552 - Mais non, tu te trompes, tu es trop petite pour avoir ce numéro là (les enfants de mon âge avaient un numéro supérieur à 4000)" Et puis, on ne pouvait emprunter des romans que si on empruntait des documentaires... C'est comme ça que j'ai lu toutes les biographies des peintres, musiciens, sculpteurs et même aviateurs ou chercheurs... Au moins, ça me racontait la vie ! Et je me disais : " Si j'étais bibliothécaire... je laisserais les enfants choisir ce qu'ils veulent lire..." Alors, quelques années plus tard, face au grand saut dans la vie professionnelle, comme une évidence : je serai BIBLIOTHECAIRE !!! Et depuis plus de 20 ans, de bibliothèques municipales en bibliothèques départementales, mon enthousiasme est intact : - Quand les cartons de livres commandés arrivent, c'est chaque fois un peu noël... - Quand je peux échanger sur les livres ou les CD que je viens de découvrir, c'est chaque fois un moment de bonheur... - Quand les outils numériques viennent bouleverser nos pratiques, c'est la plongée excitante vers l'inconnu... Une nouvelle aventure s'ouvre maintenant ! Chermedia, notre plateforme d'échanges et de partages

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Commentaire sur “Passeurs de poèmes : le choix de Christine

  • Christian

    Le Gaston de petite Beauce
    Meung Beaugency terres fertiles
    Blondes de blés riches de gueux
    Et si pauvre de partageux
    s’il revenait que dirait-il
    de ce même monde féroce?