Ballade de l’invitation au travail
Pour s’affirmer expert en ses travaux,
Qu’on soit poète ou marchand de fécule,
Certain précepte, et non des plus nouveaux,
Dit : faut peiner de l’aube au crépuscule,
Durant l’hiver, pendant la canicule,
Et honni soit le flemmard fanfaron
Qui devant l’âpre et dur labeur recule :
C’est en forgeant qu’on devient forgeron.
Le coryza gêne-t-il vos cerveaux,
Et, dégoutant de façon ridicule,
Vos nez sont-ils comme les nez des veaux ?
Faut vous moucher. – Aussitôt s’articule
A votre épaule une aile minuscule
Et, réduit à la taille d’un ciron,
En voltigeant dans les airs on circule :
C’est en mouchant qu’on devient moucheron
Souhaitez-vous, des athlètes rivaux,
De vous montrer plus robustes qu’Hercule ?
Jalousez-vous la force des chevaux ?
Faut vous percher sur quelque monticule.
Muni soudain d’un poitrail majuscule
Et d’un fessier gros comme un potiron
On peut traîner le plus lourd véhicule.
C’est en perchant qu’on devient percheron.
Envoi
Lis donc ces vers, Prince, principicule,
Comte, marquis, duc, vidame ou baron.
En renonçant on devient renoncule.
C’est en lisant qu’on devient liseron.
Lucien Metivet
tiré de l’anthologie « L’humour 1900 », Flammarion, 1963
J’ai emprunté cette poésie sur le site des « passeurs de poèmes«
Et un autre regard sur l’invitation au travail (encore Gaston Couté, évidemment)
LES TACHES
L’matin, au coup d’clairon des oés
On saute à bas au grand galop,
Et l’on s’en va-t-aux champs piocher
Jusqu’à midi à nout’ clocher.
A midi, on casse un morceau
Pis on r’pioch’ tout le temps du tantôt.
Le souer, on rentre à la maison
Pour manger la soupe au cochon,
Et, prés d’sa femme eun’ foués couché,
Avant d’dormi’ faut ‘cor… bûcher.
Et v’là comm’ ça qu’est cheu nous :
On se r’pos’ qu’un coup dans l’trou.
On trim’ comme eun’bête el’ lundi,
On fait la mêm’ chous’ le mardi,
Et, pou se r’poser l’méquerdi,
On fait comm’ lundi et mardi ;
L’jeudi, à seul’ fin d’se changer,
On va vend’ son beurre au marché.
Le venterdi et le sam’di
On r’prend la tach’ du méquerdi
Et, l’dimanch’ quand on prend du r’pous,
On n’le sent pas pasqu’on est saoûl.
Et v’là comm’ ça qu’est cheu nous :
On se r’pos’ qu’un coup dans l’trou.
Tout l’hiver on bat à grands coups
Su’l’air’ des granges le blé d’août.
Un coup qu’arrive el mois de mars
On peign’ les champs avec sa harse.
Grobants sous l’souleil en été
On fane el’foin, on fauche el’blé.
En automne on coupe el raisin.
On fait l’vin doux, on sème el’grain.
Et quand que r’vient les moués d’janvier,
Reste pas qu’à s’chauffer les pieds.
Et v’là comm’ça qu’est cheu nous :
On se r’pos’ qu’un coup dans l’trou.
Quand on est tout petit petiot
On va-t-à l’écot’ de l’hamieau.
Quand qu’on attrap’ douze à treize ans
Faut s’en aller piocher aux champs.
A vingt ans on sert sa Patrie,
En s’en r’venant d’là on s’marie,
On fait des petits à soun heure,
On est patriote, électeur,
Contribuabe ! … et ça continue
Jusque là ousqu’on n’en pouv’ pus…
Et v’là comm’ ça qu’est cheu nous :
On sc r’pos’ qu’un coup dans l’trou.