Elle, c’est Grisélidis Réal, « péripatéticienne et écrivain », militante aussi.
Lui, à qui elle s’adresse, l’ami, c’est Jean-Luc Hennig, journaliste, romancier etpasseur.
Il est à Paris; elle, à Genève. Cela se passe dans les années 1980.
Elle sait qu’il veut faire publier ses lettres, ce qui n’entame en rien une étonnante
liberté de ton. Engagée, enragée souvent, elle lui raconte son quotidien, ses clients,
ses luttes, ses tendresses rares mais passionnées, ses coups de gueule et ses coups
de blues dans une langue directe, vibrante, vivante, pleine de verve, d’amertume
parfois.
De midi, son aube à elle, jusqu’aux petites heures du matin, dans les moments
de solitude entre deux activités, temps rituels qui ponctuent nos vies, elle se
prépare, boit un verre de vin, écoute de la musique tandis que son esprit vagabonde.
De temps en temps, elle s’arrête à sa table pour écrire. Et quand elle n’écrit pas sur
le papier, elle continue à lui écrire dans sa tête, poursuit le fil.
Par bribes ou par pans entiers, une chanson s’insère dans le cours du jeu, comme
le libre parcours d’une pensée qui nous emmène à la découverte d’une femme à la
parole libre, volontiers iconoclaste, généreuse, fière et féroce… une parole qui
sonne particulièrement juste aujourd’hui où on banalise et réprime mais écarte toute
la réalité lumineuse ou sordide qui fait l’humanité de nos vies.