« … J’avais envie de demander au cosmos de bien vouloir éteindre les étoiles. »


Comment avancer dans l’existence avec une mère qu’Hildur ne voit plus depuis son adolescence et qui lui fait dire en apprenant sa mort,

qui était cette femme ? Ce n’était pas ma mère. Pourtant elle m’avait mise au monde. Voila pourquoi il m’arrive de l’appeler maman. Je la vénère et je la crains, comme le dieu Shiva qui façonne et défait toute chose.

Comment faire avec ? Comment faire sans ?

La seule chose qui compte, c’est que Siggy est passée dans l’au-delà et qu’elle n’en reviendra pas.

Vie chaotique, vie de lombric pour Hildur, jeune archéologue séparée de sa boussole détraquée de mère, qui lui indiquait la direction opposée à prendre. Où aller maintenant que Siggy n’est plus ?
Continuer de fuir le réel ? Convoquer les souvenirs peuplés de fantômes ? Les rêveries et leurs étranges habitants ? Prolonger les ruminations ? Encore la colère, la honte ?

Mais d’abord, se rendre sur l’île Flatey, point minuscule posé au large de l’Islande où ont lieu les funérailles de Siggy. S’y trouve aussi la maison qu’elle a léguée à sa fille, un modeste cabanon jaune où elle a passé le reste de sa vie…

Le premier roman de la jeune islandaise Soffia Bjarnadottir a ceci de puissant que le mal de vivre d’Hildur y est très palpable. L’humour et la dérision servis avec talent font le reste. Ouf !
Des images insolites, parfois dérangeantes se cristallisent autour du deuil de cette mère fantasmée. Explosion des émotions, des douleurs enfouies qu’Hildur semble pouvoir exprimer enfin. Et cette fois, pour mieux s’en défaire.

Un roman sensible où l’espoir est permis, où la poésie s’immisce, tout comme la vie qui palpite en lueurs lointaines et étincelantes dans le regard de David… Et nous suivons cette éclaircie émus et séduits jusqu’à la dernière page.

 

J’ai toujours ton cœur avec moi
Soffia Bjarnadottir,
éditions Zulma, 2016
traduit de l’islandais par Jean-Christophe Salaün,
141 p.

Extrait

La pluie est d’une compagnie plutôt agréable. Les gouttes tombent à une cadence régulière et l’on peut s’y raccrocher. Sous leur rythme hypnotique, je me demande s’il arrive que l’on souffre d’un stress post-traumatique toute sa vie, depuis l’enfance jusqu’aux vieux jours. Si cela peut prendre la forme d’un état permanent. Le dieu de l’orage Indra m’a sûrement à l’œil depuis la naissance. Lorsque je l’entends m’appeler depuis le ciel, qu’il en déchire la voûte, je me sens étrangement heureuse de vivre juste en dessous.

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