Après « Priscilla, folle du désert », voici « Angie, nympho du bush » 1


Connaissez-vous la ville de Wollanup ??? Non, normal, puisque cette ancienne bourgade minière (et imaginaire ?) de l’Australie (Etat de Western Australia), aujourd’hui spécialisée dans l’industrie de la viande de kangourou et perdue au milieu de l’immensité étouffante de l’Outback, ne figure plus sur aucune carte, heureusement pour les touristes éventuellement charmés par ce nom exotique, à qui viendraient l’idée saugrenue de passer y faire un tour, comme l’anti-héros Nick Hawthorne, condamné au mariage forcé…

(couv. de la rééd. 2009)

(couv. de la rééd. 2009)

Immense coup de coeur pour le roman noir « Piège nuptial » de l’écrivain américain Douglas Kennedy, lu ce week-end, d’une traite tellement il m’a scotché (et m’a consolé de ma déception du précédent, à savoir « Le magasin des suicides » de Jean Teulé, qui pourtant me tentait bien, mais selon moi la mayonnaise ne prend à aucun moment malheureusement, tellement celui-ci manque de réalisme et de style, trop copié sur Amélie Nothomb au passage)…

Ce livre s’intitulait à l’origine « Cul-de-sac » – et bizarrement en anglais « The Dead Heart », ce qui n’a rien à voir avec ni l’un ni l’autre des 2 titres français – et il fait partie des livres-cultes qu’il faut avoir lus dans sa vie, déjà un classique du genre !

Précipitez-vous à la fois sur ce bijou d’humour féroce et ce thriller haletant, il vient d’être réédité ce mois de novembre 2009 en poche chez Pocket, après avoir été publié dans sa seconde version l’année dernière chez Belfond (trad. inédite de Bernard Cohen, qui mérite le détour pour un style unique et la retranscription parfaite des dialogues tordants de l’auteur), et 11 ans après la publication initiale de « Cul-de-sac » chez Gallimard, dans la célèbre collection « Série noire » aujourd’hui défunte… … … C’EST DU LOURD.

(Pentecost River, Western Australia, www.wikipedia.fr)

Pentecost River, Western Australia

Tombé amoureux d’une carte topographique de l’Australie dans une librairie de Boston, Nick, journaliste pigiste dans des feuilles de chou provinciales sans intérêt, décide de tenter le voyage pour donner un sens à sa vie étriquée : arrivé à Darwin (ses motels poisseux, ses bars à strip-tease miteux et ses ploucs amateurs de bière locale… la seule boisson qu’on trouve ici), il loue une camionnette Volkswagen et navigue vers le sud-ouest du pays, à travers l’une des seules routes qui le traversent. Après des heures et des jours de solitude à conduire dans la chaleur moite du désert rouge , il prend à son bord une jolie mais costaude auto-stoppeuse du cru, Angie, 21 ans et carrée comme un rugbyman…

Cédant bientôt à ses avances musclées, notre « Amerloque » ou « Yankee-P’tit kiki » (comme disent les culs-terreux océaniens) va y laisser des plumes, pour le plus grand bonheur du lecteur : alternant entre cauchemar de film d’horreur « rural » et tragi-comédie hilarante, Douglas Kennedy, avec une verve à la Michel Audiard oserais-je dire, trouve un subtil équilibre et nous transporte littéralement dans la réalité du bush australien (on a vraiment la sensation d’y être en tous cas, grâce à ses descriptions très réalistes : sable rouge mêlé à la sueur sur tout le corps, chaleur infernale et triples douches quotidiennes sous 40°C en moyenne, kangourous traversant la chaussée et pris dans le pare-choc…) bien qu’il ne soit pas tendre avec l’Australien blanc moyen (à côté, le plouc du Middle West américain ou du Texas aurait presque l’air d’un intellectuel raffiné).

(Nullarbor Plainroad, Australie occidentale, www.wikipedia.fr)

Nullarbor Plainroad, Australie occidentale

Un très grand roman, noir et drôle, avec aussi des réflexions profondes et subtiles sur la vie, expliquant le double-sens du titre original (extrait lorsque Nick remet à neuf son vieux van au garage de son malade de beau-père alias « Papou », dans l’espoir de s’échapper de ses tortionnaires attardés : « J’étais passionné par ce que je faisais, oui. Parce que cela occupait mes journées, me donnait une raison de me lever le matin, me changeait les idées. Nous passons notre vie à prétendre que nos petites occupations poursuivent une plus grande ambition que la nécessité d’avoir un toit sur notre tête, de quoi nous vêtir, nous sustenter, mais au final nous nous échinons pour remplir le vide des heures et éviter de considérer ce que notre passage sur terre a d’éphémère, de dérisoire. S’affairer, se stresser, permet d’oublier la futilité lamentable de nos existences, ou le cul-de-sac dans lequel nous nous débattons. Un cul-de-sac que nous nous sommes invariablement choisi. »)… Du grand art !!! Moi qui depuis longtemps avait envie de découvrir cet auteur francophile, ce roman des débuts m’a donné le goût de découvrir les suivants, même si apparemment le style a considérablement évolué depuis.

Ce roman a été pastiché par le journaliste et écrivain Hervé Claude (« Cocu de sac » publié aux éditions la Branche dans la fameuse collection « Suite noire », merci Geneviève pour l’info et la suggestion !), et même adapté au cinéma en 1997, par le réalisateur australien Stephan Elliott, déjà auteur du cultissime « Priscilla, folle du désert » – « Priscilla, Queen of The Desert » : le film, intitulé « Welcome To Woop-Woop » (sans doute du nom du saut des « kangous » comme disent les habitants de l’Outback, mais aussi dans le texte : « Le putain de désert, mec ! Le woop-woop, quoi, le never-never, le que-de-chie total, là où personne vit« ), est inconnu en France ou presque, il faut dire qu’apparemment ce n’est pas une réussite du 7ème art non plus… Pour plus d’infos sur l’écrivain, qui a publié en 2009 son dernier roman « Quitter le monde » toujours chez Belfond : http://www.douglas-kennedy.com/


A propos de stef18

Adjoint du patrimoine à la médiathèque de St-Florent-sur-Cher depuis 10 ans bientôt, je suis actuellement affecté à la section adultes (commandes de livres documentaires et BD ado-adultes, CD audio et DVD)

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