La Tunisie, au carrefour des civilisations orientales et occidentales, a été traversée au cours de l’Histoire par des courants culturels et artistiques très variés, faisant ainsi toute sa richesse.
Arts plastiques
La culture artistique en Tunisie se découvre en premier lieu dans les décors architecturaux et dans les souks où l’artisanat est encore très vivant. Contrairement à la civilisation occidentale, la culture islamique ne fait pas de différence entre art et artisanat, art noble et arts mineurs. De véritables créateurs (bien souvent anonymes) se révèlent dans la fabrication d’objets en métal, en bois, en cuir, en verre, en terre cuite ou en laine…
Cet artisanat tire sa richesse du contact avec les différentes cultures qui se sont succédées sur son territoire.
Au IIème siècle ap. J.-C., les empereurs romains développèrent les ateliers de sculptures, les peintures murales et la mosaïque dont on peut voir aujourd’hui de très beaux exemples au Musée du Bardo à Tunis.
Selon une idée reçue, l’islam réprouve la représentation figurative et plus particulièrement celle des êtres animés. Mais les artistes parvinrent à contourner cet interdit (formidable essor de la peinture musulmane, notamment du XIIIème au XVIIIème siècles) en tendant vers un art stylisé et abstrait. Les arts décoratifs passèrent alors au premier plan : des recherches autour d’entrelacs géométriques ou courbes aboutirent à l’arabesque ou à la calligraphie.
En 1914, des peintres occidentaux (Alexandre Roubtzoff, Paul Klee…) s’installent en Tunisie, fascinés par la lumière et la couleur du pays et en 1949 naît l’Ecole de Tunis, qui voit son apogée à la fin des années 60. On citera surtout Abdelaziz Gorgi (1928-2008), Ammar Farhat (1911-1987), plusieurs fois récompensé, mais aussi Yahia Turki (1903-1969) qui séjourna en France et participa au Salon des Indépendants.
Les techniques et les thèmes abordés sont ceux de la peinture occidentale : des scènes de la vie quotidienne (étals de marché), mais aussi des instants de la vie spirituelle (sage priant).
Aujourd’hui, quelques expositions (et publications) organisées par l’ADEIAO permettent de découvrir des artistes contemporains d’Afrique du nord. Au British Museum sont également visibles des oeuvres de Nja Mahdaoui, artiste majeur qui aborde des supports très variés du parchemin jusqu’ aux décors d’avions.
Musique
La musique traditionnelle tunisienne porte en elle les traces d’un important métissage qui s’est opéré sur toute l’Histoire de la Tunisie, de l’Antiquité à nos jours (avec des influences puniques, vandales, romaines, turcs, andalouses, françaises, iatalennes ou russes).
Parmi les styles de musique trationnelle tunisienne, le plus représentatif est sans doute le malouf, né au croisement des traditions arabes et andalouses dans le contexte de la Conquista. On y retrouve ainsi l’influence de la musique chrétienne d’Espagne et du Portugal, de la musique afro-berbère du Maghreb et de la tradition musicale arabe importée de Bagdad à Cordoue et Grenade autour du VIIIème siècle. Ce sont des réfugiés andalous fuyant l’Espagne reconquise par les chrétiens qui au XIIIème siècle apportent leur bagage musical arabo-andalou en Tunisie.
Le stambali, autre courant musical tunisien, mêle musique, poésie et danse dans des rituels allant jusqu’à la transe.
Les instruments de prédilection des musiciens traditionnels tunisiens sont le mezoued, instrument à vent comparable à la cornemuse, l’oud, instrument à cordes pincées proche du luth, et le qanûn, instrument à cordes pincées de la famille des cithares.
Le renouveau de la musique tunisienne s’illustre au XXème siècle par La Rachidia, association musicale dont firent partie Khemaïs Tarnane et Mohamed Triki, mettant en musique des poèmes de Jalaleddine Naccache et Mahmoud Bourguiba.
On peut également évoquer le légendaire Cheikh El Afrite, chanteur tunisien d’origine juive : El Afrit peut se traduire en français par « le Génie ».
De nos jours, la musique tunisienne connaît de nouvelles recherches, fondées sur l’improvisation, avec entre autres Dhafer Youssef, jeune compositeur, chanteur et oudiste tunisien.
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Enfin, un courant underground a émergé depuis les années 90, illustré par des groupes de rap tels que T-Men, Wled Bled et Arab Clan pour ne citer qu’eux, ou le groupe de métal Barzakh.
Cinéma
Le cinéma tunisien existe depuis les premiers âges du cinéma. Ainsi, en 1896, les frères Lumière ont tourné des scènes dans les rues de Tunis.
En 1908, la première salle de cinéma qui s’ouvre à Tunis est l’Omnia-Pathé.
Mais il faut attendre 1966 pour que le premier long métrage apparaisse, œuvre d’une équipe entièrement tunisienne : Aube d’Omar KHLIFI, dont l’action se situe vers 1954 dans les derniers mois du protectorat français.
De nos jours, le cinéma tunisien remet en cause les traditions, les modes de vie du passé. Citons par exemple Fin décembre de Moez Kamoun, qui éveille des questionnements sur le statut des femmes dans les milieux ruraux tunisiens.
Si certains réalisateurs comme Nacer Khémir, auteur de Bab’Aziz, restent dans le domaine du conte initiatique, dans la lignée des Mille et une nuits, d’autres abordent des sujets plus difficiles comme Khaled Ghorbal dans Un si beau voyage, où il montre la dureté de l’exile, ou encore Nouri Bouzid, qui pointe du doigt la misère des quartiers déshérités dans Poupées d’argile.
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600 films ont été réalisés depuis les débuts du cinéma tunisien. Depuis 1967, à peu près 4 long-métrages tunisiens sortent par an.
Parmi eux, citons Les ambassadeurs de Naceur Ktari, sur les difficultés rencontrées par des immigrés nord-africains à vivre en France (l’action se situe dans le quartier de la Goutte d’or à Paris) et Un été à la Goulette, de Férid Boughedir, évoquant les relations intercommunautaires (musulmans, juifs, catholiques…) au sein d’un même quartier de Tunis.
Au bout du compte, on peut dire que chaque réalisateur tunisien représente une « école » à lui tout seul.
Pour conclure, on voit par ces divers aspects que la Tunisie est un pays à la culture très ancienne, puisqu’elle remonte à l’Antiquité, et issue de nombreux métissages, du fait de sa position géographique, ce qui fait d’elle un pays phare du monde méditerranéen. Une culture peut-être méconnue, qui mérite d’être découverte pour son architecture antique, son artisanat, ses peintres proches de l’avant-garde, sa musique ancestrale sans cesse réactualisée, sans oublier ses cinéastes audacieux et engagés.
Mireille Vachet, Claudine Clot et Boris Fedorkow
Bel article !
Peut-être que dans la section cinéma, on peut rajouter l’importance capitale du film ‘Goha’ de Jacques Baratier, adapté du conte « Livre de Goha Le Simple » d’Adès et Josipovici par le grand poète libanais Georges Schéhadé. Il s’agit de la première co-production franco-tunisienne datant de 1958. C’est à partir de ce film, que beaucoup de cinéastes tunisiens ont pris conscience que le monde arabe avait aussi sa place dans la sphère cinématographique.
Il est diffusé en ce moment à la Cinémathèque française à Paris, dans le cadre de la rétrospective Jacques Baratier, et sur CinéClassic. Ce film est d’une beauté ! Bernard Bastide a écrit un article très intéressant à ce propos : http://www.cinematheque.fr/fr/musee-collections/actualite-collections/actualite-patrimoniale/origine-coproductions-fr.html