Bernard Plossu, le palais et les marais


Cet artiste est le contraire d’un homme pressé. Son chemin, c’est aux oiseaux et aux écoliers qu’il le demande. Le but de ses pérégrinations ? Rendre visible la magie des choses simples que nous côtoyons sans y faire attention (« L’art ne reproduit pas le visible, disait Paul Klee, il rend visible. »)

C’est cette petite étoile, au palais Jacques Coeur, creusée dans la fonte d’une plaque de cheminée, la délicate ciselure d’une colonne adossée, une serrure en forme de coeur, un lansquenet de pierre, lance au poing, juché sur un toit pointu, sous un ciel d’orage… deux hirondelles rêvant sur le rebord d’une cheminée : « Les marais ? Vous ne pouvez pas vous tromper, c’est tout droit, à vol d’oiseau ! »

Bourges est à taille humaine ; du palais au marais, il n’y a qu’un pas (ou deux battements d’ailes) et le rapprochement s’impose. Bernard Plossu y photographie des détails délicieux, fugaces et mélancoliques : un oiseau solitaire dans un ciel pluvieux, des frondaisons tissées d’éclats d’argent mouillé… la chair laiteuse des arômes aux calices rehaussés d’émeraude (ces camaïeux de gris n’abolissent pas les couleurs, mais en conservent intensément la mémoire ensevelie)… la splendeur inattendue d’un simple tas de brindilles… Tous ces « petits riens » qui nous requièrent humblement de les associer à notre vie, de préserver, dans le « boîtier magique » de la mémoire la trace de leur existence unique, contingente et mortelle, Bernard Plossu les montre comme il les voit : plus glorieux que Salomon dans toute sa gloire !

Clichés baignés d’une lumière secrète, évoquant le charme des romans champêtres de George Sand, les fraîches rêveries des toiles de Corot ou la mélancolie poignante des dessins de Marcel Bascoulard.

« Je suis sensible à l’empreinte du temps sur les créations humaines, explique Bernard Plossu, sur les pierres et sur les jardins… A l’intérieur du palais Jacques Coeur, j’ai été attiré par les angles, les murs et les recoins mystérieux et à l’extérieur par l’usure de la pierre. Dans les marais, l’aspect brumeux des barrières, des baraques et des jardins m’a immédiatement plu et m’a rappelé l’habitat des hauts plateaux du Nouveau Mexique ; il y avait ce jour-là, par chance, une belle lumière orageuse… J’ai utilisé mon vieux Nikormat et le sobre objectif de 50 mm et évité les effets.

Bernard Plossu est  né à Dalat (Sud Vietnam) en 1945. Lors d’un séjour au Mexique, il se joint à une mission ethnologique. Les photographies qu’il prend en 1965-66 forment Le voyage mexicain qu’il publie en 1979 aux Editions Contrejour. En 1988, une rétrospective de son oeuvre est présentée au centre Georges-Pompidou et il reçoit le grand prix national de la photographie.

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

75 − = 71