Le club-lecture de la médiathèque de Bourges vous attend pour de nouveaux échanges autour de deux livres.
Le samedi 27 février dès 10h15 – Salle Jacques Prévert
Missak de Didier Daeninckx (Perrin, 2009). L’auteur dresse un portrait étonnant du résistant arménien Missak Manouchian, dont la vie ne se limitait pas à l’Affiche Rouge.
Le contraire de la mort. Scènes de la vie napolitaine de Roberto Saviano (Robert Laffont, 2009). L’écrivain et journaliste napolitain, surtout célèbre pour ses écrits sur les activités de la mafia (cf Gomorra : dans l’empire de la camorra, Gallimard, 2007), dénonce à nouveau la violence des hommes dans les deux textes qui composent son dernier livre.
Séance ouverte à tous.
Les lectures proposées pour le prochain club-lecture, le samedi 24 avril :
Les derniers de la rue Ponty de Sérigne M. Gueye (Naïve, 2009)
Le Baby-Sitter de Jean-Philippe Blondel (Buchet-Chastel, 2009)
A bientôt !
Des choix intéressants qui vont susciter des discussions …
le Baby sitter a été chroniqué il y a peu de temps (voir dans lire, voir, écouter)
Le Contraire de la mort- La Bague
Il contrario della morte-L’anello 2007
Scènes de la vie napolitaine
Roberto Saviano
Robert Laffont-88 pages- avril 2009-PH 10 Mars 2010
Un récit néo-réaliste, quelque part dans un monde hors du temps pourtant.
D’abord il faut se mettre dans lé tête que ces deux récits sont du sud de l’Italie. Et, ce sud-là, est très spécial.
Ajoutez à cela que l’auteur dans la vie est un journaliste qui s’est attaqué – tel un don Quichotte qui n’a rien à perdre- à des puissances néfastes obscures (Maffia), et vous comprendrez mieux comment et pourquoi il arrive sur quasiment rien à vous faire passer ces terres du Mezzogiorno de mes cours de géographie d’il ya cinquante ans, pour des terrae incognitae qui échappent à toute légalité.
Quelque part on a compris que là où il n’y a pas de travail, pas de richesse, de drôles de mœurs règnent.
Ainsi celle qui consiste à afficher sa non disponibilité de femme, en portant un annello au doigt, faute de quoi, n’importe quel mâle a le droit de capture sur la femelle sans armes.
Aussi, la façon d’interpréter le regard du pauvre innocent qui bavarde avec ses potes de tout et de rien sur un muret d’un village où il n’y a rien à faire, sauf de compter les morts de deux bandes rivales de la Camorra, et leur tableaux de chasse parmi ceux qui n’obéissent pas. Et cette interprétation des regards, sous l’influence de la prise de drogue, ça vous mène à la mort de pauvres innocents, dont le seul mal, est de n’appartenir à aucune faction, et de ne pas avoir d’armes face à des types qui doivent prouver à leurs chefs qu’ils ont fait le boulot, en tuant. Qu’importe qui l’on tue. Sinon, la paie ne tombe pas, et l’on a une famille à nourrir. Tuer pour tuer, pour vivre !
Bref c’est la joyeuse ambiance du sud écrasé de poussière et de soleil implacable.
Par ailleurs, si vous n’avez rien à faire- et si vous faites quelque chose dans la vie, comme travailler magnifiquement le bois en ébénisterie- eh bien, vous attendez, même si vous excellez dans votre art, vous attendez vos quarante printemps révolus pour accéder enfin à une paie un peu normale. De toute façon le sud c’est peuplé de 90% de noirs d’Afrique qui vous cassent les prix en ramassant des tomates comme les pauvres des « Raisins de la colère », mais sans esprit de rébellion. Et puis Ikea a tout foutu par terre là-bas, comme ici. Il a perverti le goût du solide, du bien fait, au profit de l’éphémère, de l’uniforme. Il a cassé les artisans. Alors pour vous marier-il faut trois sous quand même !- vous vous engagez dans les forces armées qui vont se faire casser la pipe dans de tranquilles contrées comme le Kosovo ou l’Afghanistan, dont vous ne revenez pas indemnes. On est payé quatre fois plus. Comme cela quand on revient passer sa vie dans cet enfer, on ne passe pas par les mains de l’usurier, du banquier. Mais on vit dans ce cauchemar en priant pour échapper à ses règles non écrites. On revient se faire mal ad vitam aeternam.
Soit on rapporte les morceaux de vos corps, soit vous êtes devenus dingues, et vous racontez ce que vous avez vécu, et ceux qui sont morts – au café toute la sainte journée dans ces villages où rien ne bouge que le rideau de la porte sous la caresse maléfique du vent de poussière.
Joyeuse ambiance donc !
Dans la première nouvelle, c’est une fiancée qui parle, qui attendait son mariage, et il n’aura pas lieu, faute de mari, tué dans un char qui a explosé sur une mine, dans un pays de douceur, ainsi que le décrit le tankiste à sa fiancée par Internet.
Elle, elle s’efforcera de faire « le contraire de la mort », de vivre comme si…son amour est comme le contraire de la mort, toujours bien vivant, comme le chante un chanteur célèbre, Sergio Bruni, dans Carmela.
Dans le second récit, l’auteur parle à la troisième personne. Il décrit la mort de jeunes qui n’ont rien fait à personne, et surtout pas à un membre de la Camorra.
Le style est très intéressant, très intériorisé ; malgré une trame plus que ténue, il n’y a pas de vraie histoire. Salviano nous fait passer un état d’esprit. Cela ne donne pas envie de vivre dans ce type d’endroit. Cela peut vous amener à la fatalité.
Lui, il a l’air de s’embourber dans le malheur, dont se repait son écriture.
Ce sont des récits morbides.
N’étant pas italien, je me nourris de fantasmes, et je pense au roman intitulé « Le Christ est mort à Eboli » et au film magistral qui a été tiré du film. Non pour l’histoire, mais pour rapprocher les deux livres en ceci qu’ils ont en commun, à savoir ces traditions muettes, ces ambiances lourdes, ces sortilèges, ces non-dit, ces craintes, ces situations hors du temps du sud italien.
Je pense que l’auteur a bien réussi dans notre époque de réalisme à nous entraîner dans un cauchemar quelque part dans un coin où les lois normales ne s’appliquent pas.
J’ai emprunté ce livre à la bibliothèque hier soir, et l’ai lu dans la nuit insomniaque. En page de garde se trouve une feuille volante sur laquelle les lecteurs qui empruntent le livre, couchent leurs appréciations. Tous ont peu aimé le livre. Ils doivent le trouver trop court, ou sans trame, trop léger quelque part face à un sujet grave.
Je suis tenté de dire comme eux, sauf que le peu que Salviano dit de ces mœurs de ces gens, incite à lire plus. On a envie de dire le roman .qu’il a écrit sur la Maffia, qui le harcèle du coup aujourd’hui, pour venger ce qu’il a écrit de vari sur elle. La vengeance au rendez-vous, l’honneur des maffieux bafoués, quand la règle, comme aussi en Corse, doit être celle de l’Omerta, chez ceux qui ont tué, ou dont un proche a été tué.
Je ne sais quelle case je vais cocher sur cette feuille volante.