Club-lecture de la Médiathèque de Bourges


 

Retour sur la séance du samedi 22 janvier, avec deux romans à débattre.
« J’irai au pays des licornes » de Jean-Francois Chabas (Ecole des Loisirs, 2009) et « Le Testament d’Olympe » de Chantal Thomas (Seuil, 2010).

ChabasSur les vingt-cinq personnes réunies, la plupart d’est déclarée bouleversée par le roman de Jean-François Chabas.

Un roman palpitant, intense, qui nous emmène en Ukraine sur les pas de Pavlo. Orphelin à  douze ans, celui-ci est placé dans un camp d’entrainement qui forme les enfants au combat.  Dans ce monde où tous les coups sont permis, Pavlo va connaître d’autres coups durs et s’endurcir  pour sauver sa peau. Une écriture imagée, simple et vive que l’auteur a su utiliser pour retranscrire la situation de sursis que vivent ces mômes au quotidien. Un plongeon dans un monde ultraviolent, que certains lecteurs ont refusé de faire : « trop dur », car trop réel.

Ceux qui sont allés au bout du récit, ont pu saisir le message humaniste de l’auteur. Certes l’histoire finit mal, mais elle dénonce une réalité, amène une réflexion sur les droits de l’enfant.  « Elle ne rend pas triste » a ajouté une lectrice, « elle donne envie de réagir », elle parle de sacrifice pour un idéal, de force morale, de l’amour qui aide à résister … et du pouvoir extraordinairement puissant de l’imaginaire comme moyen de s’en sortir. Atteindre le pays des licornes quand la vie devient insupportable. 

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Testament-Olympe

Le testament d’Olympe nous dresse le portrait de deux femmes du XVIIIe siècle. Le parcours de deux sœurs que la vie sépare, et qui nous est révélé en deux parties distinctes sous forme de monologues.

C’est, semble-t-il ce qui a atténué l’enthousiasme de la plupart des lecteurs, cette rupture radicale entre deux univers bien différents, donnant selon eux, un sentiment de déséquilibre à la lecture.

C’est en effet par Apolline, la cadette, que nous entrons dans le roman. Les premiers chapitres nous conduisent dans les replis froids et rêches d’une vie monacale.

L’érudition de la spécialiste du XVIIIe s’y distille à coups de pinceaux minutieux, les détails apparaissent en touches éclatantes d’authenticité. Chantal Thomas prête sa plume à Apolline qui nous raconte son histoire, nous fait part de ses questionnements, de ses doutes quant aux choix  de se soumettre à une vie d’austérité ou de quitter le voile pour travailler.  Nous comprenons sa confiance naïve en la Providence, quand elle nous décrit l’éducation religieuse que ses parents lui ont transmise. Nous  ressentons sa jeunesse quand elle rêve d’une vie meilleure  et son énergie inépuisable à retrouver Ursule, sa sœur aînée, adorée, qui dans la fougue de ses quinze ans, a décidé de rompre définitivement avec sa famille et sa condition.

Mais, au moment même où elle retrouve Ursule, Apolline – à laquelle nous nous sommes attachés – s’efface….    

En quittant la scène, elle nous transmet toutefois l’histoire de sa sœur devenue Olympe, par le testament que celle-ci lui a confié. Une autre scène se met en place, avec les mots d’Olympe cette fois, une toute autre femme arrive, avec un tout autre destin. C’est alors que s’ouvrent les limbes tourmentés de l’Histoire, celle qui succède à l’éclat du Grand Siècle et qui annonce le déclin d’un règne.

En voulant échapper à sa misérable condition, Olympe va utiliser les mêmes armes que celles de ses adversaires : la flagornerie et le cynisme.  Le rejet de ses origines et son ambition furieuse vont la mener aux plus hautes sphères du pouvoir, mais à quel prix.  Son testament ne nous laisse pas le temps d’espérer un destin à la hauteur de ses aspirations. 

La trame de son histoire se tisse sur les assauts d’une époque marquée par les conflits politiques, où le libertinage côtoie la religion et le meurtre. Une mort annoncée s’inscrit de plus en plus nettement sur cette toile qui se refermera sur elle, comme elle se refermera sur la cour de Louis XV.

C’est un récit passionnant que nous  livre Chantal Thomas. Peu importe la question de la véracité des personnages ou des faits, et tant mieux, j’allais dire, si le doute nous incite à fouiller les  livres d’histoire. Ce roman se fait l’allégorie d’une époque, d’un système politique à l’agonie.

C’est aussi un regard de femme d’aujourd’hui sur la condition féminine d’une époque. L’emploi des monologues insuffle la vie à ces deux sœurs, aux personnalités si opposées, rend palpables leurs tourments.  Crédible aussi l’impossible parcours, que sage ou révoltée, chacune doit mener pour se fabriquer un destin.

Une réalité nous est brossée dans une langue savoureuse et énergique, pleine de soubresauts. Pas de nostalgie ni d’apitoiement pour ces personnages, c’est ce siècle que l’écrivain veut nous montrer avant tout.  Celui du faste et de la misère,  de la cruauté et de l’absurdité d’un monde qui court à sa perte, entraînant acteurs et figurants.

Une alchimie réussie où la fantaisie enrobe l’érudition, où le romanesque révèle la tragédie de l’histoire.

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PROCHAINES PROPOSITIONS DE LECTURE POUR LE 26 FEVRIER

amis placard    Les Amis du placard, de Gabor Rasov, Avant-scène Théâtre, 2010.

   Où j’ai laissé mon âme, de Jérôme Ferrari, Actes Sud, 2010.

      ferrrari

 

 

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