Esprit d’hiver. Laura Kasischke. Christian Bourgois Editeur.
Au petit matin, Holly se réveille en proie à une obsession. Il aurait fallu qu’elle écrive pour se souvenir.
Quelque chose s’est passé, un événement a eu lieu, mais elle n’arrive plus à se souvenir et cet écho-là devient hallucinatoire dans ce petit matin blafard où déjà
rien n’est comme les autres jours.
C’est le jour de Noël, elle se retrouve seule avec sa fille. La neige s’est mise à tomber sans discontinuer nappant tout l’espace d’une couverture silencieuse et les invités se désistent les uns après les autres. Étrange impression,impression d’abandon !
Il s’installe immédiatement dans ce récit un malaise profond ;seulement diffus au début, il envahit petit à petit le récit, l’espace,celui de l’écriture mais celui de cette maison où Holly et sa fille adolescente Tatiana s’affrontent, se cherchent, s’évitent.
Et puis, en permanence, cette sensation de plus en plus envahissante d’une présence fantomatique, mystérieuse. C’est si bien décrit que l’on sent cette présence flottante, impalpable autour de nous,partout. elle investit tout l’espace,
et s’infiltre dans les murs, les vêtements, les corps, la chair.
Quelle réussite que ce huis-clos,où la maison se referme petit à petit sur un drame dont on ne devine la portée qu’ à la fin de l’ouvrage.
Merveilleusement construit, on descend en enfer, traversant pièce après pièce.
Dans la belle cuisine ultramoderne, glaciale, la viande, la chair,le sang, acquièrent une densité exceptionnelle, une dimension effrayante donnant lieu à des descriptions colorées, quasi chirurgicales.
Le corps de cette femme, lieu de douleur, douleur de la difficulté d’écrire, douleur lancinante depuis le matin, métaphore de la douleur de l’écrivain aussi.
Le temps s’est presque arrêté, là-bas, dans cette maison.
On en sort un peu hébété tant l’écriture précise nous isole un temps du monde.