Personne n’a oublié le rire enjoué, la sensibilité à fleur de peau, la présence légère de cet éditeur « pas comme les autres » pour qui la poésie était synonyme d’amitié et de générosité.
Avec son air d’éternel adolescent et de Petit Prince descendu de sa planète, Jean Marcourel (dit « Marcou ») cachait sous une apparente naïveté une vraie détermination, comme ce jour où il avait convaincu le poète américain de la « beat generation », Allen Guinsberg, de passage à Paris, de lui écrire spécialement un texte. « Il savait « pécher » les talents et s’effacer pour les révéler, témoigne Elisabeth Dousset, directrice de la Médiathèque de Bourges ; Jean Marcourel avait une vraie place dans le monde de l’édition. »
Créateur des Petits classiques du grand pirate, Jean Marcourel nous a quittés le 11 décembre 2006, à l’âge de 60 ans, quelques jours avant l’inauguration du 9ème Salon de la petite édition, qu’il avait fondé à Bourges, en 1999, avec le directeur de l’association Land Art/Galerie L’Autre Rive, Jean-François Jeannet.
Chaque petit ouvrage édité par Jean Marcourel est un petit chef-d’oeuvre « à deux mains », un dialogue original et fécond, une rencontre étincelante entre les mots et les formes – sérigraphies et lithographies – qui sont la marque de fabrique des Editions du grand pirate.
« Comment le fêter dans cette absence de sa fragile présence, écrit son ami James Sacré, de son sourire et de l’immense gentillesse qui était la sienne, de sa générosité aussi ? Il faudrait revenir sur son travail d’éditeur, sur ces merveilleux petits livres dépliants, dans lesquels nous pouvions soudain déposer, inventer nos poèmes autrement, découvrir toute une matérialité du poème. Jean a ainsi permis à beaucoup d’entre nous de réfléchir à l’écriture et au livre, à la parole mêlée à l’image et au graphisme, comme nous ne l’aurions pas fait sans lui. Il se trouve qu’il m’avait demandé de réaliser un autre Petit Classique du Grand Pirate et le rouleau qui contenait le dessin d’Yvon Vey et mon poème est parti à Toulouse juste avant son propre départ pour ailleurs, ou nulle part, sinon en notre souvenir maintenant. Et voilà que j’ai tristement le plaisir de le remercier pour ce petit livre qui ne verra pas le jour par ses mains et son travail d’éditeur. Peut-être sommes-nous plusieurs à vivre avec lui un tel geste inachevé. Cela ne veut-il pas dire que quelque chose bien sûr reste vivant et que nous le maintiendrons vivant ? Je l’espère de tout coeur, même si c’est en sachant que cette espérance est bien peu de chose, un geste de pensée et d’affection fragile et dérisoire peut-être. Cher Jean, je ne te connaissais que par ton activité de Grand Pirate déguisé en Petit Poucet magique. Tous tes livres sont autant de petits cailloux qui nous permettent de refaire le chemin jusqu’à toi. Nous t’aimons tous, avec les tiens, avec tout ce que nous ne connaissions pas de toi, avec ce que tu nous as donné. Pardonne-moi cette brouette de mots qui roule ce qu’on ne sait pas dire. Merci. »