La mer, c’est Mare Nostrum, la Méditerranée, qui sépare et en même temps relie l’Italie et la Libye, les deux pays évoqués dans ce roman.
De chaque côté vivent les protagonistes : en Libye, Farid, petit garçon qui n’a jamais vu la mer, descendant de bédouins, et sa mère Jamila. De l’autre côté, Vito, jeune homme de dix-huit ans, qui ne sait pas encore ce qu’il va faire de sa vie, et sa mère, Angelina.
Au moment de la révolte contre Kadhafi, le père de Farid est tué et Jamila décide aussitôt de partir en Italie avec Farid, par la mer. Elle y retrouvera des parents qui sont déjà installés là-bas depuis plusieurs années ; mais elle sera mieux accueillie qu’eux, pense-t-elle, puisque c’est une réfugiée…
Vito vient d’obtenir son bac, et pour cela il a effectué un travail de recherche sur les Italiens de Tripoli expulsés par Kadhafi en 1970 : sa mère lui a alors raconté son passé et celui de ses propres parents, leurs allers-retours plus ou moins forcés entre l’Italie et la Tripolitaine, devenue depuis la Libye. Quand les Italiens ont à nouveau le droit de revenir en Libye, Vito se rend à Tripoli avec sa mère et sa grand-mère, Santa. C’est là qu’il comprend enfin leur « maladie » de l’exil : « Nous sommes des Tripolini, et nous ne sommes ni ici ni là-bas, nous sommes au beau milieu de la mer comme ces gosses qui ne peuvent pas accoster ». Mais la réalité ne correspond pas aux souvenirs : Santa n’arrive pas à retrouver la tombe de son fils décédé tout petit, et Ali, l’ami d’enfance d’Angelina, est à présent un sbire de Kadhafi.
Pendant les vacances qu’il passe avec sa mère sur une île, Vito voit affluer les réfugiés libyens. Un lendemain de tempête, il ramasse sur la plage des objets apportés par la mer, et il décide d’en faire un tableau, celui d’un naufrage, le tableau trait d’union entre ces deux histoires : au centre du tableau se trouve une amulette semblable à celle de Farid…
Un roman au rythme lent au départ, mais très prenant. Un roman sur la guerre, sur la violence faite aux peuples et surtout aux petites gens : les deux mères et leurs fils sont des victimes, même si Angelina revendique le fait d’être coupable elle aussi. Un roman sur le mal de vivre des exilés : « Il y a quelque chose qui n’appartient qu’au lieu où l’on est né. Tout le monde ne le sait pas. Il n’y a que ceux qui en sont arrachés de force qui le savent ».
La mer, le matin, Margaret Mazzantini, Robert Laffont, collection Pavillons, août 2012