Aujourd’hui, la DLP du Cher accueille Marie Manuelian et Jeanne Ashbé pour une rencontre avec des bibliothécaires et des personnels en charge de la petite enfance.
Plus de 60 participants à cette journée d’échanges autour de la lecture et des tout-petits.
Une journée d’autant plus riche qu’elle permet la rencontre des acteurs du département qui interviennent autour de la Lecture Publique et auprès de la Petite Enfance.
Nos invitées:
Jeanne Ashbé, auteur-illustratice avec plus de 50 albums à son actif
Marie Manuelian, Fondatrice de l’association « Promolec » et salon des bébés lecteurs de Quétigny
M. Yann Galut, vice-président du CG18 chargé de l’éducation et de la culture accueille les participants et fait part de son expérience personnelle de lecture avec des tout-petits.
Voici quelques notes prises à la volée au cours de cette journée du 18 novembre !
MM « Quelle chance de passer une grande partie de sa vie professionnelle à lire des livres à des enfants. » Un objectif de la journée : réfléchir ensemble à la relation triangulaire entre les tout-petits, les adultes et les livres
JA « Pas question d’énoncer des règles de conduite dans cette activité particulière et si fabuleuse qui est de partager la lecture avec des bébés.
Réussit-on vraiment une lecture avec un groupe d’enfants si les enfants restent sagement assis, s’ils comprennent tout mais est-ce la réalité du statut de bébé (moins de trois ans) ?
S’agit-il seulement de faire de ces bébés des lecteurs précoces qui réussiront scolairement et socialement ?
Lire ce n’est pas dire n’importe quoi; c’est se soumettre à des lois : les adultes ont parfois tendance à croire que les petits ne peuvent pas comprendre le sens des mots contenus dans les livres alors que ce qui est en jeu est plus de l’ordre de l’intelligence émotionnelle – Se hisser au niveau de l’intelligence des bébés et non pas s’abaisser à leur apparent niveau de compréhension.
Mise en rapport langue du fait (usuel) / Langue du récit (livres, berceuses, jeux de doigts) : langue de l’imaginaire différente du langage utilitaire
Maîtriser l »absence, c’est la préoccupation essentielle des bébés : être capable de construire une représentation mentale de la personne absente. Le livre comme compagnon de développement psychique… C’est la mise en mouvement de la pensée du bébé qui est fondamentale avec la prise en compte de l’émotion comme première étape de la pensée
Le réconfort qu’apporte le livre pour faire face aux difficultés de la vie… La nécessaire répétition de la lecture d’un même livre permet la construction de la prise de distance : l’adulte doit respecter les réactions du corps de l’enfant
Lire avec un enfant, c’est l’accompagner pour qu’il devienne progressivement acteur de sa propre vie. »
MM 3 situations de lecture : manipulation de l’objet, lecture individuelle, lecture à des groupes
manipulation de l’objet : plus manipulation de l’objet que du contenu – liberté de choisir et d’utiliser l’objet à sa guise malgré les blocages des adultes
La disponibilité de l’adulte est indispensable à la lecture avec les tout-petits ainsi que l’investissement réel dans la relation
L’impact de ce qui est lu est dilué dans la lecture à des groupes ainsi que l’impact relationnel mais se créent des liens dans le groupe d’enfants qui écoutent en même temps la même chose (ex/ accueil des RAM dans les bibliothèques : panachage des âges et donc évolution des centres d’intérêts des enfants, plus d’interaction entre les enfants; processus d’imitation) Quand on lit à un groupe, on lit aux enfants mais aussi aux adultes qui accompagnent le groupe d’enfants, un moment aussi de rassemblement des adultes…
Pourquoi lire le texte tel qu’il est écrit ?
– Lire le texte tel qu’il est écrit, y compris aux bébés de quelques mois, quelle que soit sa longueur. Permanence du texte même si le texte n’est pas dit de la même façon – seule façon d’apporter le sécurité nécessaire à la construction de l’enfant- Possibilité pour l’enfant de demander la répétition « La lecture ça correpond à un véritable embrasement du cerveau » : construction du sens, mise en jeu de l’imaginaire et appel aux souvenirs…
Au delà de l’enrichissement syntaxique et orthographique, prise de distance du lecteur par rapport au texte écrit par un autre.
Le texte est le choix d’un auteur, le travail d’un artiste (ça gêne peu de personnes de ne pas respecter ce travail… alors que l’illustration est, elle, beaucoup plus respectée)
Le texte peut aussi être perçu comme langage artificiel et difficile à lire pour certains adultes.
– Raconter l’histoire : on raconte des images on reconstruit le texte – forte communication affective avec l’enfant à ce moment là – on se sent rassuré – se pose la question du respect du travail de l’auteur et des limites de l’interprétation. Le lecteur tend à une certaine uniformité dans le vocabulaire et les intonations , ce qui peut conduire à un appauvrissement du rapport à l’oeuvre et des diversités des univers proposés.
JA : On ne mesure pas la richesse de ce qu’on fait en proposant, par la lecture du texte écrit à travers sa stabilité et sa prosodie, aux enfants, un glissement de la langue usuelle vers la langue du récit. Maîtriser ses émotions à travers une expérience de l’ordre de la culture, c’est tenir à distance et par là même grandir.
MM / Raconter les images, c’est mélanger les temporalités : du temsp récit au temps du présent, ce qui provoque une confusion des repères.
– La situation d’échanges : tout le monde (adultes et enfants) a à apprendre, savoir recevoir, entendre, écouter dans des lectures individuelles. Dans un échange collectif, on n’est plus du tout dans une situation de lecture : le fil du récit est coupé. Les plus petits sont les plus pénalisés par cette pratique parce que suspendus à la maîtrise de la parole. La temporalité du récit est complètement emmêlée
Pour finir la matinée, intervenantes et public échangent sur leurs expériences respectives en bibliothèques, en consultationPMI,en RAM,…
En ce début d »après-midi, MM nous conte l’aventure du salon des bébés lecteurs…
Et maintenant, place aux livres ! Et au travail de création !
JA Plus de 6 semaines à observer les bébés – plus de 600 dessins de bébés pour :
Comme un mouvement de balancier entre le réel et l’imaginaire…
Un travail d’élagage incessant pour arriver au tronc, voire aux racines de ce qu’on a envie de partager. Cet album a révélé deux axes de travail : un axe autour du quotidien du petit , sans être une reproduction de la vie, en écho à l’activité incessante de construction de sens que met en oeuvre le bébé, et un autre axe de recherche, plus graphique et artistique pour créer des albums tels que :
Un livre paravent avec au début des médaillons qui montrent des scènes mettant en situation le livre puis d’un côté une galerie de portraits de bébés, et de l’autre des images du quotidien avec un jeu sur le contraste du noir et de la couleur que l’on retrouve également dans « Pas de loup » (livre entièrement réalisé par ordinateur). Dans cet album, chaque double page est une histoire à part entière.
Un livre de bienvenue au monde
D’autres pistes de lecture proposées par MM:
Mon coquelicot/ Céline Hermann.-Loulou & Compagnie, 2009.
Beaucoup de beaux bébés/ David Ellwand.-L’école des loisirs, 2009.
Quel chantier !François Delebecque.-Seuil, 2003.
Bonne nuit mon tout petit /Soon Hee Jeong.-Didier Jeunesse, 2008.
Y-a-il des graphismes à rejeter ?
MM Je punis des livres pour des raisons de contenu avant tout.Mais quelque soit la réelle qualité du livre, le plus important reste le moment de partage avec l’adulte. Le souci est parfois le mode de transmission utilisé par l’adulte.temps des bébés dans la lecture est le temps de la lenteur.
Suite à une question, MM nous a conseillé la lecture de l’ouvrage suivant : L’enfance face à la mort d’un proche :en parler, l’écouter, le soutenir/ Patrick Ben Soussan.-Albin Michel, 2006
L’après-midi s’est poursuivi autour d’anecdotes de lecture avec des bébés .Et sans aucun doute les participants vont avoir hâte d’expérimenter les propositions qui leur ont été faites.
Une journée extraordinaire sur l’importance du livre dans la vie des Bébés avec deux femmes passionnées et passionnantes qui nous ont fait partager leurs expériences.Le travail de Jeanne Ashbé est remarquable tant au niveau des images que de la mélodie du texte.J’ai redécouvert avec elle « Pas de loup » que je vais lire jeudi pour une séance Bébés lecteurs.
Dans mes séances avec les bébés,les albums ont une large place, mais je fais aussi des comptines, chansons avec des marionnettes,ainsi que des jeux de doigts,les Bébés adorent.
Vraiment un grand merci à la DLP pour cette journée où les Bébés ont été mis en avant car c’est vraiment très important.Le livre apporte beaucoup dans la construction de l’enfant, il ne faut pas l’oublier…
journée passionnante en compagnie de Jeanne Ashbé et Marie Manuelian ; complétement sous le charme, de très beaux livres qui font rêver !
il me manque juste le je ne sais quoi pour bien faire la lecture aux tout-petits !!j’ai vite passé commande de plusieurs albums
encore bravo à toute l’équipe avec des rencontres très enrichissantes