Une fois n’est pas coutume, l’ABF centre proposait à ses membres de se retrouver lundi 5 décembre à Paris pour une journée d’étude autour des publics.
Le sujet était vaste puisque l’intitulé de cette journée était : Lecteurs, Usagers, clients ? Rencontres du 3ème type.
Et c’est ainsi qu’une quarantaine de bibliothécaires venue de toute la région centre s’est retrouvée en ce lundi matin devant les portes de la bibliothèque Louise Michel, située dans le 20ème arrondissement de Paris, et dernière née des bibliothèques parisiennes.
De quoi a t-on parlé ? Tout d’abord de la bibliothèque qui nous accueillait et qui a reçu le grand prix des bibliothèques de Livre Hebdo ; ensuite, Claude Poissenot, auteur de « La nouvelle bibliothèque » est venu nous chatouiller les neurones sur la problématique des publics, qui aujourd’hui sont au centre de notre réflexion professionnelle.
Le matin, nous avons été accueillis par madame Blandine Aurenche, directrice de la bibliothèque. Ayant porté depuis l’origine le projet de cette bibliothèque, elle nous a longuement expliqué la gestation et la naissance de ce lieu qu’elle veut à la croisée des chemins. Je pense que ce qui a le plus marqué les bibliothécaires présents est cette impression d’ouverture et de convivialité. De sa vitrine extérieure à travers laquelle le regard porte, à son agencement intérieur qui décloisonne les espaces, tout est fait pour permettre au visiteur de se sentir « chez lui ».
C’est ainsi que la présentation et l’organisation des collections est tout à fait différente d’une bibliothèque traditionnelle. Elles ne sont qu’une présence discrète dans l’espace qui est en majeure partie tourné vers les habitants . Si ce choix d’agencement implique qu’une certaine partie des documentaires ne soit pas présente dans les murs, cette difficulté est très facilement levée grâce au système de navette interne aux bibliothèques de Paris.
En un mot comme en cent, cette belle bibliothèque est résolument tournée vers la proximité, le présent et le public.
Ce public, qui est, comme le rappelait madame Aurenche notre atout fondamental, était au cœur de nos interrogations de l’après-midi. Et pour débattre de ce sujet, l’ABF centre avait fait appel à Claude Poissenot. Enseignant chercheur en sociologie à l’IUT de Nancy, il étudie en particulier les bibliothèques et leurs publics depuis une quinzaine d’années environ.
En partant des dernières enquêtes sur les pratiques culturelles des Français, Claude Poissenot fait un constat relativement négatif de la place de la bibliothèque au sein de la société française. Comme il le rappelait justement, au contraire de nos voisins outre atlantique, personne ne viendra manifester si des établissements fermaient. C’est pourquoi il est urgent de repenser la bibliothèque.
En effet, en partant du postulat que la bibliothèque est indispensable à son environnement, c’est en nous repenchant sur sa définition et ses missions que nous inverserons peut-être la vapeur.
La définition de la bibliothèque est elle-même remise en cause car elle ne peut plus s’appuyer sur ce qui faisait son terreau et sa base, les collections. En effet, l’individu peut trouver ailleurs. La notion de collections implique la nécessité d’un lieu, et d’un choix imposé, alors qu’aujourd’hui, le citoyen veut choisir par lui-même, pour lui-même.
De plus, la bibliothèque est menacée comme institution culturelle. La bibliothèque est vue différemment d’un lieu de création. Quelle est désormais la légitimité de la bibliothèque si elle ne peut ni s’appuyer sur ses collections, ni sur l’institution ?
Elle pourrait se définir par rapport à ses publics. Mais quels publics ?
Repenser la bibliothèque en fonction de la population à desservir, c’est pouvoir répondre à ces questions : quelles sont ses attentes ? Qu’est ce qui la rassemble ou au contraire qu’est ce qui la divise ? Quelles sont les particularités générationnelles ?
La réponse à ces questions se traduira en partie par l’instauration d’une relation de confiance. En montrant que lecteur et bibliothécaire sont égaux et que les services proposés répondent aux attentes du public, la bibliothèque apparaîtra comme un lieu d’émancipation où le lecteur, le voisin pourra trouver l’information qu’il cherche. Espace personnalisé d’un côté mais garant de l’anonymat de l’autre, la survie de la bibliothèque en France passe par la redéfinition de ses missions et de sa capacité à se faire aimer.
Alors ? Lecteurs, usagers, clients ? Non : Voisins !
Très bel article et quelle belle bibliothèque …. Cela fait rêver…Cela donne envie d’y rentrer, d’y flâner , de s’y asseoir…
Il y a beaucoup de belles « choses » dans cet article : relation de confiance,égaux,ouverture,convivialité… Merci Véronique pour ce partage!
Intéressant article!
par contre, si je vois bien, il faut tout le temps se baisser…pas follement pratique…
Est-ce qu’il ne vaut mieux pas se baisser plutôt que d’être écrasé par des murs de livres devant lesquels les personnes un peu timides ou mal à l’aise avec ceux-ci se sentent complètement étrangers ? Nous avons la chance aujourd’hui de pouvoir modifier l’image de la bibliothèque et de la tourner vers ce qui légitime son existence au sein d’une collectivité : ses publics et non pas ses collections (n’oublions pas que la majorité des statistiques annuelles portent sur le lectorat). Je sais aussi qu’il sera difficile pour certains lieux de changer radicalement l’aménagement mais l’exemple de la bibliothèque Louise Michel peut nous donner à réfléchir sur un futur possible.
Il faudra poser la question au public âgé. Il y a dix ans on nous disait de ne pas garnir le rayon du haut ni le rayon du bas. Et c’est exact que les lecteurs âgés ne peuvent pas se baisser. Les temps changent.
Dans mon esprit, les étagères basses n’ont pas pour but d’exclure le public âgé. Car je sais qu’il forme une partie importante de notre lectorat. Mais cela ne m’empêche pas de réfléchir sur la meilleure façon de proposer et surtout de présenter des ouvrages pour permettre au plus grand nombre de venir s’approprier le lieu bibliothèque. Et je suis convaincue que les murs de livres sont tout sauf accueillants.
Après, je suis persuadée que l’aménagement doit beaucoup à notre réalité de terrain. Cependant, plus qu’une question de hauteur d’étagère, c’est surtout la question de l’ouverture et de la facilité d’appropriation du lieu qui m’interpelle.