Rencontre avec un écrivain français de la steppe, Homéric.
» Mon nom est Bo’ortchou. Mes os sont très vieux, je suis parvenu aux ultimes lueurs de mon existence. Lentement, je tourne sur mes pieds usés et m’abreuve de ce qui depuis toujours est ma terre, la Mongolie. Un océan d’herbes qui danse et se tord sous le vent. Autour de moi, ce vent gifle les roches et plie les arbres. Tout est en ordre. Je peux maintenant m’étendre… Accroche bien haut ton coeur, je vais t’emporter en croupe sur ce que fut ma vie, tout entière dévouée au plus affamé des hommes, Gengis Khan, roi des Mongols, élu de Tengri sur Terre, empereur de tous les peuples. »
Quoi de plus éloquent que cette introduction du Loup Mongol d’Homéric, dont j’avais juré à certains de Cher Média, de parler dès mon retour. Pour ceux qui ne l’ont pas encore lu ou fait lire, le Loup mongol est certainement la plus forte plongée qu’on puisse faire dans l’âme mongole, à travers le récit de la vie de Gengis Khan. A côtoyer Homéric dans la steppe, à le voir respirer, monter à cheval ou s’absorber dans la parole des nuages, on sait que cette terre est celle de son cœur.
» Venu du Ciel, il y eut Loup Bleu. Sortie des ondes, il y eut Biche Fauve… Aux sources des trois rivières, le loup et la biche se sont aimés jour et nuit. Loup Bleu a sûrement hésité à dévorer sa maîtresse, mais devant sa robe fauve et ses yeux comme deux grands lacs, son amour l’emportait. C’est peut-être cette alliance invraisemblable qui fait qu’aujourd’hui nous, leurs fils, ne cessons de nous chamailler, de nous voler nos femmes et nos chevaux, quand nous ne nous entre-tuons pas… »
Extrait du Loup mongol, Editions Grasset.
Cet homme sensible et doux, écrivain remarquable, a fait d’une épopée un roman d’amour. On m’avait demandé si possible un « scoop » à l’issue de ce voyage. Voilà : en Mongolie, il ne dort pratiquement pas ou alors debout. Je l’ai vu parler à l’oreille des chevaux, je l’ai surpris en train de rire avec les yacks, décoiffé par la steppe immense, ému de tout, fragile et fort, et qui va, les yeux grands ouverts.