Marie, 80 ans passés, écoute les bruits de sa maison. Dans son lit, André son mari depuis de longues années, est à côté d’elle, entre les quintes de toux et la douleur : il dort. Marie ne dort pas, elle se pose trop de questions pour cela. La maison est-elle bien fermée ? La tuile qui vient de tomber, qui va se charger d’appeler le cousin pour la remettre en place ? Des nuits entières rongées par ces petites tracasseries, et puis il y sa vie,elle se souvient… Pendant ses insomnies, elle se souvient de cette vie qu »elle a choisie et de ces choix qui l’on menée à cette fin.
On retrouve Marie, en 1933 : c’est une jeune fille, espiègle qui, dans les toilettes au fond du jardin, assis sur la tinette, armée de jumelles épie un homme qui descend du train. C’est André l’instituteur, elle est amoureuse… C’est un grand homme costaud qui l’entoure des ses bras en cachette pendant leur promenade dans la campagne.
Mais Marie doit suivre ses parents, son père est officier en Indochine. Cette année là, le cœur n’y est pas, André vient de demander sa main à son père, qui lui accorde mais pour dans deux ans, à leur retour. A Marseille sur le bateau, Marie fait la connaissance d’Hervé Perrot. D’abord boudeuse, elle tombe rapidement sous son charme au point d’oublier (enfin presque) André.
Une nouvelle idylle commence, il faut dire que le jeune Perrot est un meilleur parti pour une fille d’officier, face au petit instituteur, fils de paysan. La mère de Marie n’aura d’ailleurs pas de cesse de lui faire remarquer…
Trois mois avant le retour prévu vers la France, Monsieur Cavigneau, le père de Marie apprend que sa mission est prolongée de six mois… Or le mariage entre Marie est programmé pour l’été, et même si leurs derniers échanges écrits sont plutôt froids, ce mariage n’a jamais été remis en question, Perrot ayant repoussé froidement la jeune fille.
De retour en France, accompagnée de sa tante, Marie prend André pour époux, sans la présence de ses parents, ni des parents d’André.
Dans ce roman, Hervé Bel qui s’est inspiré de sa grand-mère, nous raconte la vie de Marie, une étrange femme, qui n’accepte pas la petite condition d’instituteur de son mari, qui aime avec beaucoup de difficulté ses deux fils, Pierre, un enfant parfait qui a fait polytechnique pour aller mourir en Algérie, et Michel, un enfant non désiré… Elle évolue dans sa vie, avec comme seul objectif, être reconnue, être au dessus des autres, être différente…
Mais a t-elle des excuses face à ses comportements ? Une mère, dure, sans cœur, qui ne l’a sans doute pas aimée. Un beau jeune homme, qui l’a repoussée car elle était déjà promise à un autre, mais qui, elle l’apprendra plus tard, l’aimait.
Marie s’aime. En fait, elle n’aime qu’elle : les toilettes, les réceptions, rien n’est jamais de trop pour marquer sa différence avec les petites gens de ce monde. Pourtant tout au long du livre, elle ne cesse de crier son amour pour son mari, mais peut-on la croire face à toutes les remontrances, les humiliations qu’il subit. Et lui ce grand gaillard, pourquoi ne réagit-il pas ? Est-il si faible ? L’aime t-il à ce point…
Le monde évolue vite pendant toute ces années d’après la guerre, la démocratisation, et oui les pauvres ont des droits. Les usines qui se développent, la modernisation, l’industrialisation, les loisirs…
Marie doit faire des choix, comme nous tous, à chaque étape de la vie, mais est-elle ainsi aujourd’hui à cause des ses choix, ou a t-elle fait ces choix car c’était sa vraie nature d’être ainsi ?
Encore un roman que je n’aurai sans doute pas lu sans cette « rentrée littéraire », et j’avoue que je serai passé à côté d’un bon livre. On aime Marie, on la déteste, et puis cette femme nous dérange, on croit s’y reconnaître, ou bien une proche, une connaissance… Être femme, épouse, mère dans un monde qui évolue vite, et qui bouscule des siècles de soumission à l’homme !
Les choix secrets, Hervé Bel, éditions JC-Lattès
Je partage également le coup de coeur de Martine pour ce roman d’Hervé BEL: les choix secrets.
Marie ne se donne pas le droit au bonheur…Mais c’est une autre époque,l’émancipation féminine n’est pas encore passée par là…Marie se vit : »comme fille de… » puis « comme femme de… »
Le mari me direz-vous pourquoi ne réagit-il pas?…Eh bien oui! l’envie de le secouer nous prendrait bien!..
Les rendez-vous manqués de Marie conditionnent-ils ainsi sa vie?…Marie a cadenassé ses émotions, ses sentiments,..et son argent.
L’imprévu n’a plus de place dans sa vie.:. »L’avenir s’est rétréci tellement qu’il s’est confondu avec le présent et empêche désormais toute espérance de se déployer »
Sa vie s’est lézardée comme le toit de sa maison au crépuscule de sa vie.
L’auteur dépeint un portrait sans concession de sa grand-mère, il explore les failles et les côtés sombres du psychisme humain.Cependant ce roman est une leçon de vie.