Dans le cadre des animations coordonnées de la Direction de la Lecture Publique, les bénévoles de la Médiathèque intercommunale Vals de Cher et d’Arnon, après une longue préparation, ont fêté la rentrée, le dimanche 4 septembre 2016. Une exposition thématique et matérielle, sur le thème «Les animaux et nous», accompagnée de vidéos sur les grands animaux de Chambord a ouvert les festivités. Puis, Gilles QUENTIN, retraité de l’ONF a tenu une conférence sur la faune forestière et la gestion des forêts.
Exposition :
Les visiteurs ont pu admirer :
– Une exposition « Comme une bête en case », celle-ci présente des extraits de célèbres bandes dessinées pour jeunes et adultes dont les héros sont des animaux souvent humanisés.
– Une exposition de bois de cerf, de chevreuil, de trophées des animaux de la forêt, des outils forestiers, des documentaires.
Projections :
« La faune et l’homme à Chambord » et « La vie des cerfs », la projection de ces films a fait l’admiration des spectateurs.
Conférence : Commentaires de Gilles QUENTIN
Présentation
Bonjour à tous et merci d’être venus à cette animation ayant pour thématique « l’Homme et les Animaux de la Forêt » organisée par la Médiathèque intercommunale Vals de Cher et d’Arnon de MASSAY et la Direction de la Lecture publique du Cher.
Je m’appelle Gilles QUENTIN, suis retraité depuis 1 an après avoir travaillé pendant 40 ans à l’Office National des Forêts comme Technicien supérieur forestier, et antérieurement 5 années au Ministère des Finances (ce qui n’a rien à voir), et avoir vécu 20 ans aux côtés de mon père également forestier à la Direction Générale des Eaux et Forêts puis à l’ONF dès sa création en 1966. Malgré cela, comme tout milieu vivant en continuelle mutation, je n’ai pas la prétention de connaître par cœur la forêt.
Introduction
La faune et l’homme en forêt est un sujet vaste et plus complexe qu’il n’y paraît.
Je n’aborderai donc pas une liste exhaustive et une description des animaux de la forêt, cette liste prendrait plus des 2 heures imparties.
Je ne listerai pas non plus les multiples activités des hommes en forêt, elles sont nombreuses et variées, même si aujourd’hui de nombreuses sont disparues et la forêt n’est plus que le lieu de techniciens :
– qui la cultivent (c’est la sylviculture) et la gèrent, dont le rôle a été confié à l’ONF pour les forêts publiques, au CRPF pour les forêts privées,
– qui la protègent ainsi que les espèces végétales et animales qui y vivent, interviennent là l’ONF mais aussi l’ONCFS et l’ONEMA principalement,
– qui l’étudient pour améliorer les connaissances et les pratiques avec l’INRA ou encore le CEMAGREF.
Mais aussi de ce que l’on pourrait appeler sans être aucunement péjoratif des exécutants qui sont ceux qui accomplissent :
– la nécessaire chasse,
– les travaux sylvicoles qui peuvent relever de l’entretien comme de l’exploitation forestière pour les bois commercialisables.
Car en forêt les éléments ne se superposent pas mais sont intimement imbriqués les uns dans les autres.
La forêt est un milieu particulier où le minéral (le sol), le vivant (les animaux dont l’homme), et le végétal ne font qu’un.
Les forêts sont biologiquement l’écosystème terrestre le plus divers que tout autre. Elles couvrent environ 31% de la surface de la Terre (29.7 % en France), soit près de 4 milliards d’hectares (16,3 millions en France), et elles contiennent plus des deux tiers des espèces vivantes terrestres.
Elles sont d’une complexité telle qu’il est si difficile de concilier et de maintenir son état lorsqu’on parle de gestion durable ou de biodiversité.
Car il faut aller au-delà des intérêts particuliers, et même au-delà de l’intérêt de chaque élément. La protection aveugle ou le laisser-aller vis-à-vis des animaux n’est pas bonne conseillère et mène à des dérèglements absurdes au détriment des végétaux dont les arbres, et le simple et seul intérêt financier du propriétaire, même s’il s’appelle l’État, mène à la ruine du milieu forestier.
La forêt n’a rien à voir avec d’autres productions agricoles annuelles ou sur quelques années. Elle se gère au plus vite sur 30 à 40 ans pour une peupleraie, 80 à 100 ans pour les pins, au plus lent sur 200 à 220 ans pour la production de chênes. Elle ne peut non plus se gérer sur 1 ou quelques hectares, mais sur une surface suffisamment grande d’au moins plusieurs dizaines d’hectares, plusieurs centaines étant préférables. C’est donc une production qui engage l’avenir sur plusieurs générations, l’État étant le mieux à même d’organiser cette gestion, ce qu’il fait sur 25 % de ses forêts et des forêts communales qui produisent 40 % de bois français.
Je vous propose donc de brosser un tableau de la faune (forcément incomplet et généraliste), puis un tableau des activités humaines en forêts, en tous cas de ceux agissant de droit, et d’entamer ensuite un dialogue avec vous sur les questions pour lesquelles vous êtes venus chercher des réponses ou sur des mots incompris.
La faune forestière
La faune forestière est une faune particulière et propre à chaque forêt.
L’évolution des sols qui sont vivants car sans intrants chimiques depuis maintenant des décennies y est naturelle.
La sylviculture (c’est la culture de la sylve, des arbres) peut y être variée mais a des conséquences sur les sols et la faune, positives ou négatives.
Le sol forestier et la composition de sa roche mère (calcaire, sables, argiles, grès), mais aussi l’hygrométrie (humidité de l’air et pluviométrie), ou l’altitude, sont les éléments fondamentaux qui vont permettre aux végétaux d’être en capacité de croitre et de produire du bois, ce qui est très souvent le rôle premier dévolu à une forêt, hormis les zones de protection des sols comme les dunes de l’Atlantique ou les pentes montagneuses, ou certaines forêts périurbaines.
On peut citer comme exemples :
– le châtaignier qu’on ne trouvera pas sur des sols calcaires ;
– les pins qui croissent mieux sur des sols sableux acides, mais quelques pins comme le maritime accepteront les sols argileux ;
– le hêtre ou l’épicéa qu’une hygrométrie insuffisante va limiter;
– ou encore l’altitude maximale des arbres à 2400 m sur l’ubac (le versant le moins ensoleillé d’une vallée, situé en général au Nord et forestier) ne sera atteinte que par le mélèze.
Mais pourquoi parler du sol alors que le sujet : ce sont les animaux et les hommes ?
Parce que cette végétation, installée sur un sol qui va lui convenir, va influer sur la présence de tel ou tel animal forestier, en fonction de ses besoins en alimentation.
Les animaux forestiers habituellement classés dans les grands animaux, sont tout d’abord les ongulés, ces mammifères dont la dernière phalange du doigt ou des doigts est enveloppée d’un sabot.
On y trouve :
– le cerf, animal forestier par excellence, jusqu’à 1,50 m au garrot et 300 kg,
– le chevreuil, animal des plaines et collines qui trouve maintenant refuge en forêt, 65 cm au garrot pour 30 kg, très bon athlète avec une possibilité de saut en hauteur à 1,75 m avec des bons de 6 m en longueur et une course pouvant atteindre 90 km/h,
– le sanglier, forestier également mais qui s’adapte en fonction de son alimentation omnivore et ne dédaignant pas le maïs tendre dit en lait.
Après des années de chasse intensive et sans limites jusque vers 1950, des réintroductions d’espèces avec reprises dans les lieux en excès et lâcher vont commencer à avoir lieu dans les années 1960/1970, la plus spectaculaire des réussites sera pour le chevreuil, présent maintenant sur toute la France. Beaucoup de cerfs réintroduits proviennent du Parc du Domaine national de Chambord.
Au début des années 1980, la mise en place du plan de chasse, qui fixe le nombre minimum et maximum d’animaux à prélever, en fonction de comptage, d’estimations, d’évolution des populations au-delà des simples limites de chaque propriété. Ce plan de chasse sera l’élément déclencheur d’une augmentation spectaculaire de toutes les espèces d’ongulés, en trois décennies les effectifs ont été multipliés par 2,5 pour le chamois en montagne, par 3 pour le chevreuil et le mouflon, par 4 pour le cerf et même par 5 pour le sanglier qui ne sera jamais (ou illégalement) réintroduit.
Des comptages d’animaux avec différentes méthodes ont lieu pour chiffrer les évolutions et les mettre en adéquation avec les territoires et le potentiel alimentaire. Ces comptages peuvent être des estimations ou des comptages dit en plein toujours organisés par les services de l’ONF (Office national des Forêts) ou de l’ONCFS (Office de la Chasse et de la Faune sauvage) qui associent souvent les chasseurs ou les associations en forêt publique. En forêt privée, ce sont souvent le CRPF ou les services de la DDT issus de l’ex DDA, qui opèrent.
Parmi les grands animaux forestiers, on doit citer ici deux grands prédateurs que sont l’ours brun qui a disparu du Massif Central vers 1850, traqué par la chasse surtout pour sa fourrure, et est aujourd’hui cantonné aux Pyrénées avec environ 70 individus, mais aussi le loup, également traqué jusqu’à extermination en France (à la fin du 18ème siècle 10 à 20.000 loups sont estimés et en 1930 l’espèce est considérée comme disparue en France). Le loup gris réapparait à partir de l’Italie où il est estimé à 1500 individus (des indices de présence en France sont constatés en 1980 et il est vu en 1992). Aujourd’hui le loup est présent dans l’Aube, la Côte d’Or, le Puy de Dôme, mais aussi sa présence est constatée à La Souterraine, au Sud de Poitiers, à Aubigny-sur-Nère ou encore à La Charité sur Loire. Sa population en 2015 est estimée à 300 individus.
Puis la forêt abrite des animaux plus petits.
Ils sont tantôt prédateurs (généralement ce sont les animaux qui mangent d’autres animaux), comme le renard, le blaireau (partiellement), la martre, le putois ou encore la loutre sa cousine des ruisseaux. Ceux-ci sont souvent tués à tort car ils concurrencent la chasse, sans voir que dans leur alimentation, le renard mange en été aussi des fruits (45 %), des insectes (22 %) des rongeurs et autres mammifères (22 %) et des oiseaux (11 %) ainsi que le blaireau qui est omnivore et se nourrit un peu comme le sanglier, essentiellement de lombrics, d’insectes (Coléoptères, chenilles, nids de guêpes et d’abeilles), d’œufs (parfois d’oiseaux qui nichent ou dorment à terre), de cadavres (surtout en hiver), mais aussi de campagnols, taupes, lapins, crapauds, ainsi que des bulbes, myrtilles, framboises, avoine, blé, champignons, maïs, herbes et trèfle en hiver. Certains blaireaux chassent des hérissons.
Des départements commencent à en protéger certains en raison de leur rareté ou de leur utilité par ailleurs en se nourrissant de rongeurs qui pulluleraient ou d’animaux malades.
Les autres sont plutôt des herbivores, que l’on pourrait appelés prédateurs de végétaux, comme le lièvre, le lapin, le faisan que l’on trouve de manière naturelle en forêt.
Voilà pour les animaux visibles sur le sol.
Parmi les animaux du ciel : les oiseaux.
Une centaine d’espèces d’oiseaux nichent régulièrement en forêt, soit près du tiers des 306 espèces qui se reproduisent en France métropolitaine. Une dizaine d’autres espèces fréquentent les forêts au cours de leurs migrations.
Pratiquement tous sont protégés, sauf les bécasses, les pigeons ramiers, les grives, les faisans, qui sont classés chassables.
Les Passereaux, souvent qualifiés d’oiseaux chanteurs, forment la grande majorité des oiseaux dans nos forêts, on peut citer comme exemple les pipits, bergeronnettes, troglodytes, grives, merles, pouillots, mésanges, sittelles, geais des chênes, corneilles noires, pinsons, …
Parmi les non-passereaux, les plus connus sont présents les faisans qui volent peu en réalité, la cigogne noire, bécasses, pigeons, tourterelles, coucous gris, chouettes et hiboux (avec leurs « oreilles » de plumes), buses et faucons (le circaète Jean le Blanc est présent à Vierzon) et les pics (le pic vert qui est le plus connu dans nos jardins étant peu présent en forêt sauf sur les lisières).
On retrouve également parmi les oiseaux forestiers des prédateurs comme les rapaces, les chouettes et hiboux, mais aussi de plus petits qui se nourrissent d’insectes et de petits animaux tels les vers et chenilles, d’autres étant granivores (mangeurs de graines).
Parmi les animaux qui volent (ou pas ?) on peut observer les plus nombreux : les insectes.
Les insectes en général sont près de 1,3 million d’espèces décrites, existantes encore (près de 10 000 nouvelles espèces sont inventoriées par an). Ils constituent la plus grande part de la biodiversité animale (définie par le nombre d’espèces). Leur biomasse totale serait 300 fois plus importante que la biomasse humaine, 4 fois supérieure à celle des vertébrés. Ils sont apparus pour certains il y a plus de 400 millions d’années et sont les plus anciens animaux à s’être adaptés à la vie terrestre en devenant amphibies.
Petite remarque, les araignées, scorpions et acariens ne sont pas des insectes, bien qu’animaux aussi, mais des arachnides, car comme autres différences ils ont 8 pattes. Parmi eux, la tique, redoutable et sans doute le plus dangereux des animaux forestiers transmetteurs des bactéries Borrelia et de la maladie de Lyme.
Les insectes forestiers sont intimement liés à la végétation : des siècles d’évolution et de coadaptation ont amené à une extrême spécialisation des insectes ainsi qu’à une défense complexe des végétaux. Si les insectes forestiers venaient à se trouver privés de leur habitat, la grande majorité ne pourrait survivre, et la forêt ne pourrait se régénérer.
Les défoliateurs ou phyllophages (ceux qui mangent les feuilles) tels les chenilles, sont en effet des ravageurs primaires : ils attaquent les arbres sains et vigoureux, préparant le chemin aux ravageurs secondaires qui profitent de leur faiblesse et achèvent l’arbre. Ils sont fréquemment monophages et attaquent un organe spécifique (feuilles, bourgeons, jeunes pousses…) qui doit être plus ou moins âgé, souple ou bien situé dans l’arbre.
Les arbres sont couverts d’algues microscopiques, de lichens épiphytiques (plantes qui poussent en se servant d’autres plantes comme support) et de mousses beaucoup utilisés par les insectes, puisque 20% des phytophages (mangeurs de végétaux) s’en nourrissent : en effet, la productivité de ces chlorophylliens égale celle des herbacés.
Des insectes se nourrissent aussi de sève et y parviennent grâce à une pièce buccale adaptée, en forme de rostre, qui leur sert à pénétrer l’épiderme de la feuille ou l’écorce du tronc. On y retrouve les pucerons et les cochenilles.
D’autres insectes se nourrissent des fleurs (pollens, nectars, pétales), des fruits et des graines, ils sont également nombreux car il s’agit d’une ressource importante. Une forêt de mélèze peut produire jusqu’à deux tonnes de cônes (poids sec) par hectare, chacun contenant des centaines de graines.
Ces produits sont partagés entre différents animaux : oiseaux, rongeurs et insectes (Lépidoptères, Coléoptères…), et sont intéressants au niveau nutritif car particulièrement différents de la composition de l’arbre lui-même. Ils forment par conséquent un aliment de choix pour quelques espèces.
D’autres insectes encore sont xylophages (mangeurs de bois). Le bois est l’élément le plus abondant de la forêt, il forme une énorme réserve de matière organique et d’éléments minéraux. Mais proportionnellement, le bois est aussi la matière la plus pauvre en éléments nutritifs : pour en avoir la même quantité qu’un fruit ou une feuille, il faut en ingérer une énormément plus grande quantité que celle qui serait sinon indispensable.
Par ailleurs, la cellulose est indigeste : seuls quelques champignons, bactéries et de rares insectes comme les coléoptères parviennent à la digérer. La majorité des xylophages réalisent en fait une symbiose avec des bactéries, des protozoaires ou des champignons créant les enzymes nécessaires à la digestion (enzymes dites acquises).
Ensuite des insectes saproxylophages, se succèdent depuis l’arbre récemment mort jusqu’à l’arbre réduit à l’état de matière organique décomposée, ils sont incapables d’investir des tissus vivants et ne trouvent refuge sur un arbre vivant qu’au niveau de parties mortes (branches…) ou de cavités.
Enfin, les insectes détritivores se nourrissent de l’ensemble des déchets (excréments, cadavres, feuilles mortes…) et colonisent par conséquent beaucoup le sol. Ils digèrent la matière organique, ce qui la rend accessible à la microflore et faune du sol.
Parmi les insectes, certains sont également des prédateurs présents dans l’ensemble des strates (différents niveaux de la végétation forestière) car ils ne sont pas liés à un habitat spécifique par leur régime alimentaire, celui-ci pouvant autant être composé de la faune du sol que de celle de la canopée. Ils sont cependant plus présents sur le sol. Leur impact est important : un imago (le stade final d’un insecte qui se développe sous plusieurs formes : œuf, larve ou chenille, insecte) de Coléoptère peut manger entre 200 et 300 chenilles et chrysalides en 50 jours. Les coléoptères sont les prédateurs le plus abondant avec 10.600 espèces en France, suivis des Hyménoptères (guêpes, fourmis, abeilles), des Carabidés (scarabées, Calosoma), des Staphylinides (aux élytres courtes tels les forficules ou perce-oreilles)
Dans le sol, on retrouve un nombre important d’insectes dans la ponte se protège du froid hivernal avant une première transformation en vers, chenilles ou larves. Certains insectes se protègeront du froid en stockant le sucre des plantes pour produire du glycérol, un antigel. D’autres animaux comme les reptiles ou certains batraciens font de même.
On y trouve aussi les lombrics, (Lumbricus terrestris, plus communément appelé ver de terre), qui est un allié précieux des jardiniers, très présent, bien que peu visible en forêt. Ces oligochètes (vers au corps partagé en anneaux dont les segments qui le composent permettent la reptation de l’animal sur le substrat), sont très nombreux : sur un hectare de sol forestier, on estime à un à deux millions le nombre de lombrics qui s’y trouveraient, 150 par m2, qui dit mieux ! A l’échelle du globe, ils constituent la première source de protéines et 80% du poids des animaux terrestres !
Par contre, mettons fin à un mythe : un ver de terre coupé en deux ne donne pas naissance à deux vers de terre, mais si une des extrémités contient la tête, le clitellum (ce petit bourrelet souvent plus rose), et une dizaine de segments complémentaires, elle pourra se régénérer en un lombric complet. Un peu comme le lézard dont il abandonne sa queue en cas d’attaque, celle-ci repoussera.
On retrouve aussi dans le sol un nombre important d’autres animaux selon la saison qui peut aller des mammifères avec les lapins (peu nombreux lorsque le sol est argileux), rongeurs et autres animaux de terriers, mais aussi les opportunistes qui profitent de ces terriers comme les reptiles, lézards, salamandres et tritons.
Et puis, en très grand nombre, on peut à la loupe trouver les collemboles.
Les collemboles sont des animaux quasiment invisibles (2 à 3 mm), ils sont connus comme étant les plus anciens des hexapodes (3 paires de pattes sous le thorax) fossilisés, car ils étaient déjà présents au Dévonien il y a environ 400 millions d’années, probablement juste avant les insectes. Le Dévonien correspond à la quatrième période du Paléozoïque. Elle s’étend de -418 à -359 millions d’années. La fin de cette période est marquée par la survenue d’une crise biologique dont l’origine est controversée et qui a vu disparaître 70 % des espèces vivantes.
Ils ont longtemps été considérés comme des insectes primitifs car ils sont aptères (dépourvus d’ailes) et amétaboles (ne passant pas par une phase larvaire). On tend à les rapprocher aujourd’hui des crustacés, dont le représentant terrestre en forêt est le cloporte, car beaucoup d’espèces ressemblent à de petites crevettes et certains crustacés, comme les talitres, sont également « sauteurs ».
La plupart sont lucifuges et vivent dans les premiers centimètres du sol, à l’abri de la lumière directe (quelques espèces descendent jusqu’à 30 cm de profondeur, notamment dans les sols labourés), mais de nombreuses espèces vivent au-dessus du sol. Ils jouent un rôle essentiel dans la dissémination et le contrôle de la microflore du sol et participent ainsi indirectement à la transformation de la matière organique et au cycle des nutriments. Là où la matière en décomposition (feuilles mortes surtout) est abondante, en forêt par exemple, on en trouve en Europe de 50 000 à 400 000 individus par mètre carré.
La plupart des espèces connues sont saprophages ; elles se nourrissent principalement de végétaux en décomposition et de microorganismes présents dans la litière (c’est le sol non décomposé) : champignons, bactéries, algues. Leur consommation de champignons (hyphes et spores) est considérable et leur rôle est indispensable à l’incorporation au sol de la litière composée également tous les ans des feuilles.[
Ce sont les animaux les plus nombreux en forêt bien qu’invisibles, les plus lourds au m² étant les lombrics, juste avant les fourmis.
L’ensemble du vivant forestier composé de tous ces animaux et des végétaux forme des interactions et des chaînes que l’on nomme chaînes alimentaires.
Ainsi, le sol est le support des végétaux, les végétaux sont l’alimentation d’un grand nombre d’animaux du plus petit au plus grand, certains de ces animaux sont prédateurs ou carnivores (ils se nourrissent d’autres animaux), d’autres sont omnivores et se nourrissent d’animaux et de végétaux comme l’homme, qui n’en est qu’un modeste maillon ni plus ni moins.
L’homme et la forêt
La forêt, longtemps le lieu de cueillettes diverses (bois, chasse, fruits, …) réservées aux seigneurs et autres possédants, un temps ouverte à tous à la Révolution, est aujourd’hui d’abord cultivée pour la production de bois.
Il n’existe plus en Europe de forêt primaire, dite encore naturelle, toutes ont été façonnées par l’homme, pour ses besoins.
L’histoire de la forêt et celle de la grande faune (je reviens un peu à quelques animaux) sont intimement liées, mais souvent en raison du degré de motivation de la chasse des Rois.
Au fil des époques, ce sont succédées des phases de conciliation et de conflit où l’Homme, par l’exploitation et la gestion des ressources sylvicoles et de la faune, a tenu un rôle majeur.
Retour sur les grandes lignes de l’histoire forestière :
La Préhistoire : lors de cette période, avant l’âge du bronze, il est admis que le paysage français est probablement constitué de vastes forêts couvrant 60 % du territoire, entrecoupé de pelouses ou landes, peuplées de grands herbivores : aurochs, bisons, chevaux sauvages… Avec l’essor démographique et la sédentarisation, l’homme devient ensuite un acteur majeur de la composition et de la répartition des forêts, ainsi que des populations d’ongulés.
Le Moyen Âge : le développement des activités artisanales et industrielles s’accompagne d’un déclin considérable des forêts. Par la suite, les guerres, les crises sanitaires comme les épidémies de Peste autour de 1350 (En France sur 100 ans entre 1340 et 1440, la population a perdu 7 Millions d’habitants sur 17, soit une diminution de 41 %), conduisent à de fortes décroissances démographiques et à des déprises agricoles, favorisant la reconquête naturelle des forêts. Il est probable que les densités d’ongulés varient similairement aux fluctuations des surfaces forestières. Les populations animales sont alors régulées par la prédation et par la chasse, cette dernière étant toujours un privilège exclusivement seigneurial.
La Révolution : la popularisation de la chasse et la réduction des surfaces forestières par son exploitation pour différents usages (8 à 9 millions d’ha en 1830), engendre une régression drastique des populations d’ongulés. Dans le même temps, la chasse des grands prédateurs (en particulier le loup) conduit à leur déclin puis à leur quasi-éradication au début du XXe siècle. Dès lors, les prédateurs ne participeront plus à la régulation des populations d’ongulés.
Le 20ème siècle : Avec les politiques de reboisement de Napoléon III, mais aussi de la création du Fonds forestier national en 1946, puis la déprise agricole (qui se poursuit) et l’urbanisation croissante à partir du début des années 1960, la progression des forêts s’accélère. Entre 1984 et 1996, les forêts progressent de 73.000 ha par an. Ainsi, l’espace redevient propice à l’expansion naturelle des ongulés, dont les populations avaient encore décliné au cours des deux guerres mondiales, il fallait bien se nourrir ! Dans les années 1950 à 1980, des lâchers visent à renforcer ou reconstituer les populations sur des territoires désertés (comme le cerf à partir d’individus provenant du Domaine national de Chambord principalement), ou à introduire de nouvelles espèces souvent à intérêt cynégétique (comme le mouflon dans le Sud de la France).
La forêt française occupe aujourd’hui 16,7 millions d’ha et couvre 26,6 % du territoire.
Comme je le disais plus haut, la récolte de bois reste toujours le premier motif de la sylviculture. Cependant d’autres motifs peuvent être priorisés sur cette recherche de production quand il s’agit par exemple de protection des sols sur les dunes ou de versants montagneux. Quelques fois encore la fonction sociale de la forêt est égale à celle de la production, c’est le cas de forêts périurbaines, franciliennes particulièrement.
Cette production de bois se décline en de multiples utilisations.
Celle qui est originelle est le feu, destiné à se chauffer, à éloigner les animaux et à cuire les aliments. Ensuite le bois a servi aux constructions diverses de maisons, de fortifications en bois sur des buttes ou tertres appelées Motte jusqu’au 11ème siècle, de lieux de culte aussi.
Mais la navigation qui va se développer, sera une grande consommatrice de bois. Au commencement il y eut les radeaux et les pirogues creusées dans un seul tronc, dont la longueur limite la taille de l’embarcation. Mais dès le 9ème siècle, les Vikings effectuent de longues traversées sur leurs navires de chêne, de pin ou de frêne. Sur nos côtes, c’est au 11ème siècle qu’on améliore le modèle normand notamment en employant des bois différents selon les pièces, alliant durabilité, légèreté et solidité.
Du côté de la Méditerranée, à partir du 13ème siècle, les embarcations du style des galères voient leur succès diminuer au profit des navires océaniques, plus ronds et plus hauts. Un vaisseau de premier rang exigeait alors pas moins de 2.000 à 4.000 troncs et une frégate environ un millier !
Au 19ème siècle, la taille des bateaux ne permet plus de satisfaire les besoins du commerce et des guerres. L’emploi du bois a atteint les limites des dimensions des troncs de grande taille qu’il est d’ailleurs de plus en plus difficile de trouver. C’est alors naturellement que la marine va commencer à employer du métal. En Grande-Bretagne, la construction de navires en bois disparaît peu avant 1900.
Mais, par exemple sur Vierzon, les besoins se modifient au gré des industries et demandent finalement toujours plus aux forêts. Les forges créent en 1779 par le Comte d’Artois qui sera le dernier propriétaire forestier avant l’Etat, sont de grandes consommatrices de bois, en 1780 elles en avalent 120.000 stères par an, 150.000 stères en 1857. Il en faudra aussi 20.000 en 1850 pour les porcelainiers, et encore pour les fours des verriers, des briqueteries et tuileries, et pour le chauffage des habitants.
On peut estimer les besoins globaux annuels de l’époque entre 200.000 et 250.000 stères ce qui représente une pile de bois de 2 m de haut et 1 m de large sur plus de 100 km.
L’emploi du bois, c’est aussi la méranderie qui consiste à produire des merrains (généralement en bois de chêne mais aussi de châtaignier), fendus en fil, dont on fait des panneaux, puis des douves ou douelles, et qui servirons à la fabrication des tonneaux. C’est une des spécialités de la France qui fournit 75 % de la demande mondiale, 80 % environ de ces tonneaux sont exportés vers les « nouveaux » pays producteurs de vin produits en fût, car les chênes pédonculés et sessiles européens conviennent le mieux à l’élevage du vin. En France, le bois de merrain et la tranche de chêne (pour les plaquages) représentent aujourd’hui environ 15 % du volume de bois de chêne sorti des forêts de France et 35 % en valeur.
Plusieurs mérandiers sont implantés sur le Centre de la France dont GAUTHIER à Méry-ès-Bois ou Tonnellerie Atelier Centre France à Sancoins dans le Cher, d’autres, installés sur l’Aquitaine et le Pays Basque, utilisent le chêne en provenance des forêts du Centre et le l’Ile de France.
Parmi les autres emplois du bois plus connus, on peut encore citer pour les bois de sciage pour confectionner les charpentes, l’ameublement, ou de tranchage et déroulage pour la marqueterie, la lutherie (instruments de musique), et bien d’autres, jusqu’aux allumettes.
La forêt a été le lieu de multiples activités humaines, et de nombreux métiers s’y pratiquaient. Au-delà des métiers du bois (bûcherons, scieurs de long, charbonniers, sabotiers, mérandiers), ces métiers sont exercés sur place et souvent les familles y vivent, la forêt est un lieu vivant.
L’extraction et le travail du minerai de fer en forêt, particulièrement à Allogny, est connu des Bituriges Cubes, peuples celtes fixé en Berry, et constaté par César (100 av. J.-C/44 av. J.-C) qui évoque des mines, et Strabon (géographe grec, 64 av. J.-C/vers 21 ap. J.-C) qui parle de forges.
Les sous-sols argileux et sableux de Sologne permettent de développer la poterie, la briqueterie et les tuileries, la porcelaine et les verreries.
Les mares permettent le rouissage du lin et le tannage des peaux avec les tannins des écorces de chênes.
Les petits métiers comme ramasseurs de fenasse (la molinie) pour les emballages ou les matelas, les ramasseurs de fougères pour les litières animales, les ramasseurs de glands pour nourrir les troupeaux de porcs dont on savait saler et fumer la viande pour la conserver, sont fréquents, sans oublier les droits de pacage et panage détenus par les éleveurs de bestiaux qui menaient leurs bêtes en forêt pour les nourrir car les prés que nous connaissons aujourd’hui n’existaient pas.
Les activités liées à la pharmacie sont aussi présentes avec le ramassage des sangsues dans les mares et l’herboristerie.
Mais la forêt s’épuise et il faut la protéger. François 1er en 1518 fait entrer la notion d’intérêt public de la forêt, il interdira les ateliers en forêt, cause de nombreux incendies et d’absence de contrôle des prélèvements forestiers. Puis il interdira les pâturages des animaux domestiques (pacage et panage) mais cette mesure mettra du temps à se concrétiser, en 1918 en forêt de Vierzon, 51 domaines pouvaient encore introduire 365 bêtes aumailles (bovins), et en 1977 subsistait encore le dernier droit d’un propriétaire pour 12 bêtes.
La forêt, réservée aux Nobles jusqu’alors, devient ouverte à tous les citoyens à la Révolution française et les besoins sont tels que la pression est forte, trop forte malgré la Code forestier publié en 1827, alors la forêt régresse en surface, s’appauvrit en qualité, les animaux sont surchassés, les grands prédateurs éliminés.
Il faudra attendre 1951, au milieu du 20ème siècle et dans la seconde reconstruction de l’après-guerre la loi du 8 mai 1951 pour clarifier le Code de 1827 « à l’exclusion de toute modification de fond », précise l’article 2, pour y compiler tous les textes régissant la forêt. Le décret 52-1200 du 29 octobre 1952 portant codification des textes législatifs concernant la forêt constitue donc le remaniement le plus important depuis 1827, en élargissant les sujets traités par le Code forestier.
Il faudra également attendre le milieu du 20ème siècle pour commencer à protéger les espèces animales et végétales.
Pour préserver la diversité de la faune et de la flore, il est important de connaître la situation précise de chaque espèce, de surveiller l’évolution des menaces et d’identifier les priorités d’actions : c’est l’objectif de la Liste rouge nationale des espèces menacées.
Etablie conformément aux critères internationaux de l’UICN, la Liste rouge nationale dresse un bilan objectif du degré de menace pesant sur les espèces en métropole et en outre-mer. Elle permet de déterminer le risque de disparition de notre territoire des espèces végétales et animales qui s’y reproduisent en milieu naturel ou qui y sont régulièrement présentes. Cet état des lieux est fondé sur une solide base scientifique et élaboré à partir des meilleures connaissances disponibles.
La Liste rouge nationale est un outil essentiel pour identifier les priorités, guider les politiques et les stratégies d’action, et inciter tous les acteurs à agir pour limiter le taux de disparition des espèces. Elle contribue à mesurer l’ampleur des enjeux, les progrès accomplis et les défis à relever pour la France.
A la suite de cette liste, des Arrêtés sont pris nationalement et par Région d’espèces sauvages animales et végétales strictement protégés qu’il est interdit de cueillir, prélever, toucher. Par exemple, les batraciens protégés nécessitent une autorisation individuelle pour les prendre en main.
Les protections sont multiples : par espèce pour les animaux ou par variété pour les plantes, par lieu géographique, par type de biotope, etc.
Proche de nous dans le Berry, de nombreuses plantes et des animaux sont protégés.
Mais au-delà, ce sont des espaces qui sont protégés en Région Centre tel le Parc naturel de la Brenne en Indre, l’île Marie à Vierzon, la Réserve biologique de Thoux en forêt domaniale près de Châteauneuf-sur-Cher, ou la Réserve nationale de Chambord en Loir et Cher.
D’autres espaces sont également protégés au niveau départemental sur le Cher avec les ENS (Espaces naturels sensibles) comme la Pelouse de Grand Vau à Massay, la Tourbière de la Guette à Neuvy-sur-Barangeon ou le Sentier de la Salamandre dans la forêt domaniale de Vierzon.
Cette protection impose une gestion particulière aux propriétaires, elle peut être volontaire ou imposée par l’État dans le cas des Parcs naturels ou du Littoral par exemple.
Parmi les espèces protégées présentes en Berry : la loutre d’Europe en Sologne, le circaète Jean-le-blanc en forêt domaniale de Vierzon et tous les autres rapaces, les passereaux, les reptiles, les amphibiens dont la salamandre et les tritons, et certains insectes comme le Lucane Cerf-volant et les abeilles sauvages.
Parmi les espèces en danger : la cigogne noire, la grue cendrée, le sonneur à ventre jaune, le loup gris, le brochet, l’aigle botté ou la vipère péliade.
Dernier rappel sur la forêt, le territoire forestier est toujours un domaine privé dont les « fruits » (tout ce qui croit, y vit, ou est inerte) sont le bien du propriétaire. Cela est aussi vrai des forêts domaniales, même si le public y est accueilli hors des zones encloses et les véhicules admis sur les routes autorisées, ce public ne doit rien s’y approprier. Seules des tolérances existent parfois concernant les fleurs non protégées, certains fruits autres que ceux nécessaires au renouvellement de la forêt, et les champignons.
J’ai conscience de n’avoir que survolé le sujet car il y a encore mille et une choses à faire connaître.
Le débat que nous aurons de suite va sans doute permettre de compléter certains points obscurs.
Je vous remercie de votre écoute et espère ne pas avoir été trop long.
Gilles QUENTIN.
Et pour clôturer cette petite fête, un pot a été offert par la Mairie de MASSAY dans une ambiance très conviviale.
Gilles QUENTIN, retraité de l’ONF, est animateur nature/accompagnateur forestier depuis octobre 2015.
Baigné pendant 20 ans dans la vie au cœur des forêts, et 40 ans dans la gestion des forêts publiques et son corollaire d’accueil du public, il vous propose des jeux de piste, explications sur le monde secret et complexe des forêts, des soirées brame du cerf ou autour des mares forestières solognotes, des thèmes à la demande pour vous faire découvrir ce milieu aux multiples facettes, fragile et parfois en danger.
Par groupes de personnes de tous âges, scolaires, handicapés, sportifs, tous publics, il vous fera passer, de par ses connaissances multidisciplinaires sur ce milieu naturel, un agréable moment.
13 La Ray
18120 MASSAY
06 80 01 35 61
Gilles-quentin@club-internet.fr
Merci d’avoir publié cette conférence sur facebook ! Et bravo ! TRés intéressante ! Nous aurions adoré être là ! Le Cher et sa forêt sont chers à nos coeurs ! Lysiane et Alain
Merci de vos commentaires.
Je vais transmettre à notre conférencier, il en sera très heureux.