Le 14 avril 2005 naissait à Lyon le festival « Quais du polar ». Quelques déménagements plus tard (Galerie des Terreaux, Palais Bondy) c’est solidement amarré au Palais du Commerce que le festival des littératures policières fête ses dix ans.
En une décennie c’est 350 auteurs de 25 différentes nationalités et 300000 visiteurs qui en se rendant chaque printemps à Lyon ont fait de ce pourtant tout jeune rendez-vous, la manifestation européenne incontournable des amateurs de polars.
Pour fêter cet anniversaire, Quais du Polar avait invité les gros calibres de la scène mondiale : le Sud-Africain Deon Meyer, le britannique Peter James et les Etas-Uniens George Pelecanos, Craig Johnson, Thomas H. Cook et bougie détonnante sur le gâteau : James Ellroy…
Les nouvelles plumes acérées de la littérature policière internationale étaient aussi de la fête : la suédoise Camilla Lackberg, les italiens Donato Carrisi et Gilga Piersanti, la Sud-Africaine Lauren Beukes, les espagnols Victor Del Arbol et Rafael Reig, le belge Paul Colize, l’équatorien Alfredo Noriega, le polonais Zygmunt Miloszewski, l’israëlien Liad Shoham, l’autrichien Heinrich Steinfest, les britanniques Cathi Unsworth, Tim Willocks, R.J. Ellory …
Quant aux français, ils étaient tous la… ou presque : Antoine Chainas, Daeninckx, DOA, Caryl Férey, Karine Giebel, Marin Ledun, Henri Loevenbruck, Marcus Malte, Nadine Monfils, Viviane Moore, Jean-Bernard Pouy, Quadruppani, François Rivière, Romain Slocombe, Dominique Sylvain, Maud Tabachnick, Franck Thilliez, Olivier Truc… liste non exhaustive !
Bien sur tous étaient en dédicaces, mais plus intéressant ils étaient amenés à s’exprimer sur leur activité ou sur différents thèmes lors des très nombreuses conférences ou rencontres.
Le fauve Ellroy avait évidemment la part du lion. Enregistrement en public d’émissions radio (Mauvais genre de François Angelier, sur France Culture ; Le Carnet d’or d’Augustin Tappenard, sur les mêmes ondes), rencontre à l’Opéra (en compagnie de François Guérif, son éditeur et du traducteur Jean-Paul Gratias), conférence autour du « Dahlia noir » et expo des planches originales de Miles Hyman consacrées à l’excellente (et approuvé par Ellroy himself) adaptation en bande dessinée de ce même roman culte.
Jovial, tonitruant, inquiétant aussi Ellroy n’économise ni son temps ni son énergie. Il fait le spectacle. En dédicace aussi où l’on ne voit que lui, grande carcasse lingée de chemises bariolées, signant, debout ses livres. Son dernier, « Extorsion » venait tout juste de paraître. Un bien étrange objet composé d’une novella et des deux chapitres du futur roman à paraitre fin 2014 : « Perfidia ». Le protagoniste (authentique) de ce court texte est Fred Otash, un ex-flic reconverti dans le journalisme de caniveau, mais de caniveau hollywoodien. Son job pour le tabloïd Confidentiel lui permet de faire chanter quelques stars de l’époque (les années 50). Petite surprise supplémentaire, l’autre « héros » de ce roman n’est autre que James Ellroy.
Un texte particulièrement allumé et trash, initialement édité en Amérique en numérique.
Une conférence intitulée : 2013/2014 Nectar de saison, faisait un focus sur les nouveaux auteurs de polars en France. Cinq écrivains discutant à la même table. Cinq révélations.
Ian Manook, prix des lecteurs Quais du polar / 20 minutes pour Yeruldelgger (Albin Michel). Il obtient aussi fin mai le très prisé Prix SNCF 2014.
Comment certaines personnes font-elles pour cumuler autant de vies en une seule existence ? Jeune baba-cool en 68, il prend la route (et la mer) direction le Labrador, puis se sera l’Amérique du Sud, l’Asie, etc. De retour en France il crée son entreprise, devient éditeur, écrit des guides (sous son vrai patronyme, Patrick Manoukian) et aujourd’hui un premier polar se déroulant en Mongolie. On y suit le commissaire Yeruldelgger enquêtant sur le meurtre d’une fillette, le tout sur fond de corruption et de trafic de terres rares. Excellent article ici.
Alexis Ragougneau, auteur de théâtre reconnu (5 pièces publiées mais une douzaine de créations) signe avec La Madone de Notre-Dame (Viviane Hamy, collection Chemins nocturnes) son premier roman policier. Une jeune femme aussi nue que morte est retrouvée dans la cathédrale Notre-Dame de Paris au lendemain de l’Assomption. Le père Kern, 1,38 d’empathie et de douleur s’efforce d’élucider ce mystère pas très catholique. Après la quête, l’enquête.
Emmanuel Grand : Terminus Belz (Liana Levi) est son premier roman. Des clandestins ukrainiens, des mafieux roumains, des bretons suspicieux et superstitieux, une île de Betz plongée en eaux troubles sont les protagonistes de ce roman envoûtant imprégné de fantastique. Et ne pas oublier le meurtre atroce ingrédient nécessaire au bon polar ainsi que l’anti héros de rigueur, ici personnifié par Marko Voronine, sans papier et bouc-émissaire idéal.
Eric Maravélias : Avec son premier roman, largement autobiographique, La faux soyeuse (Gallimard Série noire) Maravélias, le survivant, fait une entrée remarquée dans le roman noir. Derrière ce superbe titre, en forme d’invitation délétère et dissimulant un autre jeu de mots funèbre se cache un récit presque sociologique sur l’arrivée des drogues dures dans l’univers des musicos, des petites frappes et des truands dans les squattes et les cités du début des années 80.
Frédéric Jaccaud : Hécate : fait divers (Gallimard, Série noire) s’appuie sur une authentique est sordide histoire : l’assassinat d’une jeune transsexuelle à Ljubljana (Slovénie) en 2010. S’y greffe l’enquête (fictive) d’Anton, policier de la circulation aux obsessions légèrement morbides. Un texte bref, acéré, possédant la puissance d’un ténébreux poème. C’est le troisième roman du suisse Frédéric Jaccaud, par ailleurs spécialiste des littératures de genre.
Pour finir, un coup de coeur : Hervé Le Corre
François Angelier, interviewant Hervé Le Corre, n’avait pas de mots assez élogieux pour qualifier son dernier et prodigieux roman, Après la guerre (Rivages – thriller), sombre histoire se déroulant dans le Bordeaux des années cinquante avec règlements de comptes entre truands, anciens collabos, nouvelle bourgeoisie et nouveaux « notables- anciens collabos ». Une salade pas fraîche et saignante avec un arrière-goût avarié de politique. Un des meilleurs romans de ce début d’année 2014, pour nombre de critiques.