» La vie très privée de Monsieur SIM » (Gallimard) traduit de l’anglais par Josée Kamoun.
Monsieur SIM ( Maxwell comme le café, Sim « comme les cartes qu’on met dans les mobiles ») est un personnage voué à l’échec, qui n’a pas de chance dans la vie, un type » archibanal » comme il se décrit lui-même.
C’est sans doute ce qui le rend si attachant!
Sa femme vient de le quitter en emmenant avec elle sa fille: il se retrouve seul, en arrêt maladie pour dépression.
» Les contacts humains dit-il j’en ai perdu le goût »
Jonathan COE dénonce alors les nouvelles technologies et l’évolution du concept amitié de « Face Book » avec les 70 « amis » de Monsieur SIM, parfaits inconnus pour la plupart, en nous contant aussi la relation virtuelle et anonyme qu’il arrive à nouer avec son ex femme tout à fait à son insu ! ou encore en décrivant la joie de Monsieur SIM découvrant sur sa boîte mail d’Outlook express 137 messages dont un seul émane d’un ami. « joie, ô joie »!
Ce manque de contacts humains » non filtrés par la technologie » dit-il est un fardeau pour lui.
Au début du livre, Monsieur SIM est en Australie venu rendre visite à son père; il dîne seul dans un restaurant et est fasciné par une chinoise et sa fille (qu’il retrouvera à la fin du livre) dont la complicité le trouble et l’émeut, lui qui avoue ne parler depuis 6 mois pour ainsi dire à personne.
Mais ses tentatives de contacts humains pour mettre fin à cet isolement vont malheureusement être voués à l’échec ( échec qui d’ailleurs poursuivra Monsieur SIM dans toutes ses tentatives).
Il rencontre tout d’abord l’homme d’affaire Charlie Hayward, son voisin de fauteuil, dans l’avion qui le ramène au pays et avec qui il tente de nouer un dialogue mais qui se terminera vite en monologue, le pauvre homme étant victime en plein vol d’une crise cardiaque. Monsieur SIM tout absorbé par le flot de paroles qu’il débite ne s’en aperçoit d’ailleurs pas!
Ensuite il fait la connaissance de Poppy » facilitatrice d’adultère » grâce à son enregistreur d’annonces dans les aéroports qui lui donne son numéro de téléphone et puis de ce jeune homme avec qui il avait espéré engager une conversation avant de se révéler être un vulgaire voleur de portable qui s’enfuit de ce fait avec le numéro de téléphone de Poppy!!.
C’est alors qu’un ami lui propose un emploi de représentant en brosses à dents : les brosses à dents Guest avec manche en bois, tête rotative et poils de sanglier: l’IP009: la chance va-t-elle enfin lui sourire?
Ce sera en tout cas pour lui l’occasion d’entreprendre un voyage sentimental sur les lieux de son passé et de découvrir le lourd secret de son père, de rencontrer (entre autres personnages) Monsieur et Madame BYRNE, les parents d’Alison ( son amour de jeunesse) qui parlent toujours en même temps et jamais de la même chose ! ou d’entretenir avec Emma, la voix féminine de son GPS une conversation plutôt surréaliste!
Ce voyage dans le temps, Jonathan COE nous y invite par des récits dans le récit (l’histoire de Donald Crowhurst le marin solitaire devenu fou, contée par l’oncle Clive, » la fosse aux orties »: le récit de Caroline, son ex femme, » la photo pliée » : le récit d’Alison , » le mystérieux Roger » raconté par son père. Autant d’événements qui ont jalonné la vie de Monsieur SIM, de prés ou de loin, nous révélant ses échecs sentimentaux, familiaux et amicaux.
A la page 440 du livre Monsieur SIM demande aux lecteurs » vous m’arrêtez si vous commencez à saturer »
Non, Monsieur SIM nous ne saturons pas en vous accompagnant dans vos aventures délirantes tout au long de ce livre qui foisonne de personnages insolites même s’il a bien fallu vous suivre jusque dans votre folie quand vous vous mettez dans la peau de Donald Crowhurst, ou encore quand vous demandez en mariage Emma, la voie féminine du GPS!!
« S’il est rare de parvenir à éviter tous les tunnels de la vie, d’ordinaire quelque chose nous permet de retrouver la lumière »
Cette ultime rencontre dont nous sommes les témoins à la fin du livre va-t-elle finalement permettre à Monsieur SIM de sortir de « son » tunnel?
Je vous laisse le soin de le découvrir en lisant ce livre dont l’humour et le burlesque l’emportent sur le désespoir pour le plus grand plaisir du lecteur, en tout cas de moi-même!
L’humour anglais a le vent en poupe, on dirait ! c’était donc un bon choix parmi les propositions de la rentrée littéraire, n’est-ce pas Claudine ?
Un anti-héros parfait, au centre d’une fiction relevant de l’absurde: un bon moment de lecture en perspective!