Parce qu’ils ont refusé de participer une fois de plus à la fusillade de prisonniers juifs, trois soldats d’une garnison allemande basée en Pologne, obtiennent la permission de leur supérieur de partir à la chasse aux Juifs et de les ramener « vivants » au camp.
Partis depuis l’aube, les trois hommes s’enfoncent dans les forêts glacées où ils parviendront, presque malgré eux, à en débusquer un, terré dans un trou.
Bravant le froid et la faim, ils trouvent refuge dans une cabane où ils entreprennent d’y faire un feu et de partager leurs maigres provisions avant de regagner le camp.
Un huit clos s’installe entre les murs sombres et glacés de cette « sale petite maison polonaise » perdue dans un hiver morne. Dans ce temps suspendu, où se retrouvent rassemblés trois allemands, un jeune Juif et un polonais de passage, un repas va se constituer, laborieux, improbable… un face à face silencieux avec « l’ennemi » » et avec soi-même.
Comme dans Quatre soldats (2003, Prix Médicis) et L’année du soulèvement (2010), Hubert Mingarelli s’interroge sur le destin d’hommes propulsés au cœur de la barbarie et qui sont forcés d’agir.
Son écriture dépouillée et pudique sait raconter les errances, la tragédie des vies les plus humbles. Minimaliste et dense à la fois, le texte a une portée universelle, il nous retient entre ces murs, nous fait sentir le froid qui mord, la faim qui tenaille. Il nous fait aborder l’idée de l’insupportable, le combat intérieur qui se joue chez le narrateur.
Hubert Mingarelli n’en finit pas de s’interroger sur le destin de ces hommes qui participent à l’Histoire sans y être vraiment. Des personnages qui agissent comme ils doivent le faire, qui deviennent bourreaux sans en prendre vraiment conscience, pris dans le piège des événements.
De nouveau il met en scène un univers masculin, réduit à quelques personnages, où la connivence alterne avec de grands moments de solitude, où entre les mots et le silence se crée une complicité pour affronter l’horreur et tenter de s’en défaire, une fraternité pour remédier à l’inhumanité…
Obéir ou non. Tuer ou ne pas tuer. Regarder la mort en face dans les yeux de sa prochaine victime.
Ces questionnements récurrents nous touchent à chaque fois et montrent à quel point l’auteur sait être au plus près de l’humain quand celui-ci se trouve confronté à de tels cas de conscience.
Extraits
«… Ce soir, nous avions à dire des choses autrement importantes, et notre commandant nous comprenait et parfois hochait la tête. Nous lui expliquions que nous préférions la chasse aux fusillades, que les fusillades, nous ne les aimions pas, qu’elles nous déprimaient à présent, et la nuit, nous en rêvions. Le matin nous avions le cafard dès que nous y pensions, et nous allions finir par ne plus les supporter du tout, et alors tout bien considéré, une fois malades pour de bon, nous ne servirions plus à rien… »
«… La preuve, il nous accorda ce que nous lui demandions, et on partit le lendemain, Emmerich, Bauer et moi. On partit vite à l’aube, avant la première fusillade, sans avoir mangé, mais sans avoir à croiser non plus le regard de Graaf, haineux qu’on soit passé par-dessus sa tête. Il faisait nuit, il gelait. La route était plus dure que la pierre. On marcha longtemps sans nous arrêter, dans le froid, sous le ciel gelé, mais un peu heureux, vous voyez… »
…« On était au milieu d’une mer gelée, tout était laid et pris dans la glace autour de nous, et nous fumions le ventre vide, mais on se sentait à l’abri… »
Ce temps suspendu, ce silence, ce côté intemporel, soulèvent une question… force t-il le destin de ces hommes à agir ? Il en découle une belle leçon d’humanité au coeur de cet hiver glaçant !
magnifique Roman toujours les memes questions agir ne pas agir faire le bien ou le mal et cette lueur d’espoir en chacun de nous !!