Après « Les Vivants et les morts » (dont vous avez pu voir une adaptation télévisée en décembre dernier) et « Notre part des ténèbres« , Gérard Mordillat continue d’explorer les conflits sociaux et politiques de ce début de vingt et unième siècle.
Là, c’est à la Méka que tout commence. Il y a Carvin, Weber, Mortier ou Melle Poinseau : eux, ils viennent de recevoir leurs lettres de licenciement timbrées – comble de cynisme – d’un cœur avec des fleurs autour…
En face, Socko, Fayet, Thorins et Million, l’ignoble avocat…
Quelque part, Anath Werth, la DRH…
Ailleurs, les fonds de pensions basés à Détroit qui possèdent l’usine…
Et les pouvoirs publics : préfets, forces de police, gouvernement et politiques de tous bords…
Très vite, la situation se durcit… Blocage… Les salariés n’ont plus rien à perdre, à part peut-être leur dignité dans des négociations iniques, alors ils décident de ne rien céder à la loi du plus fort. « Ils sont assez malins pour ne rien dire, ne rien réclamer. Ils affirment leur refus de la fermeture du site et des licenciements et nous donnent quarante-huit heures pour convoquer un nouveau CE », remarque l’avocat quelque peu surpris. Ce n’est que le début d’une bataille dont les salariés ont choisi de maîtriser les règles, de pas se soumettre et qui fera tâche d’huile aux alentours… Et même plus loin !
Des personnages hauts en couleurs et profondément humains, leurs vies, leurs amours, leurs ennuis… Et la lutte qu’ils construisent ensemble… Une intrigue haletante… Un combat d’aujourd’hui scandé par des extraits de discours de politiques, économistes, syndicalistes comme autant de résonances ancrées dans la réalité ou « comment échapper au rituel des fermetures d’entreprise » selon Gérard Mordillat dans son interview à France Culture.
« Il faut inventer les mots de la révolte d’aujourd’hui pour inventer la révolte ». Et si tout cela devenait réalité ?
A écouter ici : Gérard Mordillat lisant un extrait de « Rouge dans la brume »
Roman social bouleversant, peinture poignante et réaliste de la tragédie vécue par des hommes et des femmes dont l’usine ferme pour être délocalisée. Que peuvent faire ces pions humains face à la logique capitaliste pour qui seul le profit compte? Pas grand chose mais le désespoir peut amener à des actes ultimes où la folie des hommes rejoint la folie du temps.
Un style puissant, rugueux, « brut de décoffrage » mais aussi sentimental et poétique comme ce coucher de soleil final « Rouge dans la brume » sur le Pays Basque.