Retour sur la rencontre avec Alicia Dujovne Ortiz


2011 nov Chermedia Alicia portrait 053C’est par une bataille qu’a commencé notre rencontre avec Alicia Dujovne Ortiz ; un extrait d’Anita (Grasset), lu par Isabelle. Ce roman biographique retrace le parcours extraordinaire de l’épouse du révolutionnaire Giuseppe Garibaldi.

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De batailles, il en est souvent question dans les livres d’Alicia. Les personnages qu’on y croise n’hésitent pas à entrer dans la mêlée quand il s’agit de défendre un idéal.

anitaDans la vie, il y a des images qui nous fascinent et que l’on porte en soi. C’est ce qui a dû se produire chez Alicia, lorsque à Rome, dans sa jeunesse, elle voit la statue d’Anita Garibaldi. Celle-ci, telle une amazone sur son cheval cabré, tient dans une main un pistolet, dans l’autre son nourrisson. Voyant en elle l’emblème d’un féminisme épique, il n’en fallut pas plus pour qu’Alicia décide de lui emboîter le pas avec sa plume.

2011 nov Chermedia Alicia livresDora Maar, Eva Peron, Africa de las Heras (L’étoile rouge et le poète), Mireille, (Femme couleur Tango), ou encore Thérèse d’Avila… Autant de portraits de femmes « réelles » et fortes qui, animées par la passion, sont prêtes à tout quitter, pour le meilleur mais aussi pour le pire.

Autant de destins singuliers, de parcours romanesques, où la réalité dépasse la fiction.

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Romanesque le parcours Alicia Dujovne Ortiz pourrait l’être tout autant. N’est-elle pas la fille d’Alicia Ortiz, écrivain féministe et de Carlos Dujovne, membre fondateur du Parti communiste argentin en 1918, puis agent du Komintern en Amérique latine. Exposée, en tant que journaliste, aux troubles politiques de son pays, elle choisit l’exil pour Paris en 1978, où elle doit recommencer une nouvelle vie, avec l’écriture comme renfort (l’enfant à la main et la plume dans l’autre…).

De ces « identités fragmentaires » à l’élaboration de récits de vie, il n’y a qu’un pas (de tango) pour Alicia Dujovne Ortiz. C’est ainsi que son père devient un personnage de légende. « Toute l’histoire de mon père tenait dans une poignée de phrases, même pas sorties de sa propre bouche. Chez nous, la narratrice était ma mère. C’est elle qui m’a légué les histoires de sa famille et celles de son mari, car lui s’épanchait peu sur sa personne. « carlos

Si l’engagement de son père auprès de l’Union soviétique revêt un caractère quasi religieux et secret, celui d’Alicia Dujovne Ortiz est plus réservé. Une lucidité curieuse qui la conduit à explorer les zones d’ombres de l’histoire paternelle au cœur d’un contexte politique très sombre. Enquête à la fois journalistique et personnelle qu’elle relate dans Camarade Carlos, un agent du Komintern en Amérique latine, paru en 2007.

Loin des grands discours dont elle se dit « vaccinée » Alicia Dujovne Ortiz opte pour l’action, sans renoncer à un idéal. Loin du militantisme intellectuel, elle suit une conduite pragmatique. Elle va elle-même sur le terrain constater les inégalités et les injustices.

chroniqueAvec son livre Chronique des ordures, c’est l’envers des villes qu’elle explore et dénonce. La misère des déclassés, contraints à se « nourrir du vomi du capitalisme », la misère qu’on préfère ignorer, elle l’a sous les yeux, dans son pays natal. C’est encore avec son bagage de journaliste et son coeur qu’elle entre dans cet « arrière monde », véritable économie souterraine mondiale grandissante. Par ce livre, elle témoigne et « s’insurge contre la cécité d’une classe moyenne qui ne veut pas voir le cartonero penché sur sa poubelle devant sa propre porte. Elle nous montre comment une révolte positive et une imagination pratique sont sources de vie ». ( Tango Bar édition)

2011 nov Chermedia Alicia rire 2En dépit des maux qu’elle dénonce dans ses livres et des épreuves qu’elle a traversées, Alicia Dujovne Ortiz, n’a rien perdu de sa fraîcheur et de sa simplicité.

Comment ne pas être captivé par un tel concentré de vécu, de souvenirs et d’érudition. Qui dans le public que nous formions ce mardi-là, n’a pas eu envie de poursuivre le voyage avec elle, d’embarquer avec ses personnages dans leur vie tumultueuse.

Un grand merci unanime à Alicia Dujovne Ortiz pour cette formidable rencontre. Nous ne manquerons pas de renouveler ces moments d’échanges, puisqu’elle est installée depuis peu dans le Cher, où elle cultive une vie paisible loin de l’agitation urbaine. Dans ce cadre qu’elle s’est choisie comme lieu de recueillement propice à l’écriture, souhaitons-lui de mener à bien ses projets en cours… affaire à suivre !

teresaL’aventure continue, avec la parution ce mois-ci, d’un autre portrait, celui d’une sainte, Thérèse d’Avila « Une sainte profondément terrienne, une aventurière du spirituel que sa vocation pousse à toutes les audaces. Folle ? Possédée ? Certains le diront. Mais son mysticisme est avant tout placé sous le signe de la joie et des amitiés d’exception » (note de l’éditeur).

Encore une belle occasion pour l’auteur de nous surprendre en nous racontant la passion incarnée et pour nous de découvrir une figure héroïque exceptionnelle.

On attend avec impatience le prochain épisode de la websérie Chermedia pour retrouver Alicia Dujovne Ortiz.

Isabelle Rondeaux et Boris Fedorkow pour Chermedia

Un voyage en Argentine ?

En route avec scoop.it : l’agrégateur de ressources prises sur le web, l’outil que nous avons découvert ce jour-là et grâce auquel nous vous proposons un voyage en Argentine à travers sa culture (littérature, BD, musique).

Quelques titres traduits en français d’Alicia Dujovne Ortiz

Le Monologue de Teresa, Grasset, 2011.

Chronique des ordures. Qui a tué Diego Duarte ? Tango Bar, 2011.

L’Etoile rouge et le poète, Métailié, 2009.

Camarade Carlos, un agent du Komintern en Amérique latine, La Découverte, 2007.

Anita, Grasset, 2005 (Points, 2006)

Dora Maar : prisonnière du regard (biographie), Grasset, 2003 (LGF, 2005)

Femme couleur tango, Grasset, 1998.

Eva Peron : la madone des sans-chemises (biographie), Grasset, 1997 (LGF, 1997)

Maradona, c’est moi , La Découverte, 1992.

L’Arbre de la gitane, Gallimard, 1991.

Mon arbre, mon amant, Mercure de France, 1982.

La Bonne Pauline, Mercure de France, 1980.

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