Imaginez une TAZ, libre de toute tutelle dans le quartier de La Chancellerie à Bourges. Gérald Dumont a conduit cette création avec le Réseau d’Echanges Réciproques de Savoirs et le Lycée Saint-Jean-Baptiste de la Salle.
Les auteurs des textes nous les ont confiés pour les partager avec vous.
Mon catalogue de feuilles séchées
Feuilles récoltées ça et là.
Grandes feuilles, petites feuilles, dentées ou pas dentées
De couleur verte, rouge, jaune, orange, orangé…
La feuille de platane de la place de l’église
Les feuilles d’érable de la cours de l’école
Et toutes ces feuilles que j’ai ramassées, que je n’ai pas identifiées à l’époque…Aujourd’hui…c’est toujours pareil.
Ah, cette feuille d’érable !
Je l’ai ramassée, dans la cour de l’école, le jour où Jonathan s’est tordu la cheville.
Et pourquoi il s’est tordu la cheville ?
Faut dire qu’il était maladroit Jonathan.
Chaque jour, il lui arrivait quelque chose à Jonathan.
Et le jour de la feuille d’érable : Jonathan, il a voulu grimper, dans l’érable justement.
Oui mais pas n’importe quel érable : NOTRE ERABLE.
Notre érable ; c’était le nôtre parce que c’était le plus beau, le plus gros, le plus haut.
Et tous les jours on grimpait dedans.
Là-haut c’était notre monde à nous, rien qu’à nous. Les autres, ils avaient pas le droit d’y monter. IN-TER-DIT.
Dans notre arbre, nous, on était les rois, c’était nous les chefs, personne nous commandait. On était libres ! On faisait tout ce qu’on voulait !
On l’avait aménagé notre arbre ; il était super joli, on l’avait bien décoré tous les deux.
Jonathan, lui, il avait fait des étoiles ; des étoiles de toutes les couleurs : des jaunes, des rouges, des vertes, des bleues et d’autres multicolores…oui, tout plein d’étoiles toutes différentes… On les avait accrochées, partout dans notre arbre, sur toutes les branches.
Moi j’avais apporté un vieux drap, tout usé de partout. Maman n’en voulait plus, justement parce qu’il était tout usé. Nous, on l’a attaché dans notre érable et ça nous a fait notre abri à nous. Et là, on était tranquille, chez nous !
Jonathan, il aimait la musique. Un jour il a apporté des casseroles, des couvercles et tout ce qui pouvait faire du bruit. On a suspendu tout ça aux branches de notre arbre.
Et alors, moi assise sur ma branche et lui à cheval sur la sienne, on faisait notre musique, notre concert rien qu’à nous !
Enfin une autre chose très importante : le bandana. A chaque fois qu’on montait dans notre arbre, il ne fallait surtout pas oublier le principal : notre bandana. On le plaçait sur notre front et on l’attachait derrière la tête.
C’était notre identité.
C’était nous, les petits perchés de l’érable au bandana !
Ma fourchette fétiche
Quand j’y repense ce jour-là c’était le jour de l’insurrection. Ma fourchette était l’arme du délit, le coupable : le gros Gégé, la victime et responsable: mon père.
Nous étions chacun à notre poste, le père avec d’autres étaient responsables des barricades, les enfants eux couraient aux quatre coins de la Chancel pour donner des informations.
Moi je faisais partie de l’équipe prévue à la préparation du repas, chose pas simple il fallait faire avec les moyens du bord, c’n’était pas évident, la vraie panique pour trouver la quantité nécessaire de nourriture pour tout le monde.
Mais nous avions la chance d’avoir dans notre équipe pour le ravitaillement le gros Gégé et sa 4L « sa Caroline », comme il disait oui il l’appelait ainsi mais elle n’était pas toute jeune, souvent la Caroline tombait en panne: c’était la tête de delco, la batterie à plat, le démarreur ou encore les charbons qui étaient collés. Oui enfin vous avez compris la caroline…Enfin c’était fréquent que Caroline battait de l’aile mais heureusement notre Gégé avec sa grande gueule, ses câbles, sa caisse à outils dans le coffre s’en sortait toujours, c’était notre Raboliot de la Chancel.
Bref ! Ce jour-là, notre Gégé avait décidé que ce serait lui qui se chargerait du ravitaillement pour le repas, comme il disait toujours « Pas de soucis j’ai un plan pour la bouf ! Faites moi confiance ».
Pas de problème on lui fit confiance ! Sauf qu’au moment du repas notre Gégé n’était pas de retour et le père en trouble fête ironisait sur le sort de Gégé et de sa Caroline. Jusqu’au moment où Mathieu le fils du boulanger est arrivé en courant, « GEGE EST EN PANNE ! GEGE EST EN PANNE ! » le gamin était tout excité en nous annonçant qu’une bagarre venait d’éclater, Gégé était en panne de l’autre côté de la barricade, la consigne était pourtant formelle interdiction de sortir ou de renttrer de la Chancel.
Pour récupérer la 4l avec tout le ravitaillement certains étaient prêts à faire une entorse à la consigne mais pour d’autres il n’en était pas question « LA CONSIGNE, C’EST LA CONSIGNE » chacun campait sur ses positions.
Pour calmer le jeu, nous avions demandé au père pour son côté imposant et au vieux Emile pour sa sagesse de nous accompagner en espèrant bien ramener la paix dans les esprits. Car en effet à la barricade c’était chaud il y avait: les pours, les contres, les mitigés et notre Gégé dans la merde avec tout le ravitaillement dans sa 4L en panne à 30 mètres de l’autre côté de la barricade. Quand tout à coup: la voix tonitruante du père « QU’EST-CE QUI SE PASSE ICI ! C’EST QUOI CE BORDEL ? ». Il y eu comme un arrêt sur image, on avait l’impression qu’un ange passait (je n’arrive toujours pas à comprendre comment il fait. Je suis sur le cul lorsque je vois tout le monde se taire, l’écouter, le respecter dès qu’il l’ouvre), et c’est toujours pareil.
Vous vous rappelez le gros Gégé en panne avec la bouffe de l’autre côté de la barricade, le père qui est venu voir ce qui se passait, pourquoi cette bagarre?
Enfin bref ! Tout cela pour vous dire qu’après une discussion houleuse, d’un commun accord tout ce petit monde accepta que quelques costauds dont mon père sortent pour aider le Gégé.
C’est comme cela que l’on vit quatre gaillards sous nos encouragements pousser la Caroline agonisante.
Cet incident fur vite réglé sous quelques réflexions un peu ironiques et chacun put retourner à son poste.
MAIS LE GEGE ETAIT FURIEUX!
Vous pensez bien que du coup le père ne rata pas une occasion pour le châgner, le taquiner, l’emmerder, le pousser à bout.
Au moment du repas le Gégé toujours dans le jus, vexé de cette mésaventure, agacé, prenait mal, très mal la plaisanterie.
Et c’est là que le père, installé en bout de table, en remit une couche, le Gégé explosa et planta la fourchette dans la main du père!
J’ai eu très peur de sa réaction, j’étais sous le choc comme tout le monde!
Même Gégé restait prostré devant ce qu’il venait de faire!
Mais à ma grande surprise, le père se leva, retira la fourchette! On vit sa main bleuir, le sang coulait, on restait là! Plus personne ne parlait, l’ambiance était pesante, et lui, s’esclaffant : « T’es fou! T’es malade! », posa la fourchette et partit. Tout cela s’est passé très vite mais pour nous, ça nous a paru une éternité.
Je peux vous dire que l’ambiance a été plombée un bon moment. Mais moi, ce jour-là, secrètement j’ai pris un malin plaisir! Ouais! J’ai si souvent eu envie de le planter! Mais je ne pouvais pas, c’était mon père. Bref! Et je ne pus m’empêcher furtivement de piquer l’arme du délit « la fourchette ».
Et c’est environ une heure plus tard que le père, revenu à sa barricade avec un bandage, racontait à qui voulait l’entendre ce qui lui était arrivé, avec comme d’habitude, mimiques, ironie, singeries, tout cela de façon théâtrale. Tout le monde riait et cette histoire, par le biais des enfants, fit le tour de la Chancel’.
Et moi aujourd’hui je peux vous dire que grâce à une fourchette plantée quand il faut où il faut, des langues se délièrent et des mecs qui ne se parlaient pas auparavant, mais doués en mécanique, ensemble les mains dans le moteur, se mirent à réparer la Caroline de Gégé.
Et c’est comme ça que la journée se termina dans la bonne humeur, dans une ambiance de convivialité où chacun à sa façon racontait toutes les anecdotes de ce grand jour!
C’était le soir après le bahut et j’étais dans ma pieule à rien faire, j’me suis dit tiens je vais faire ma BA de la journée, j’vais m’rouler un bon p’tit pilon.Et là j’entends du bruit dehors, j’regarde mais je suis gêné par la parabole alors j’la pousse un peu et j’entends « Rimi ça tout de suite où je te défonce », c’est mon père un algérien venu en France pour trouver du boulot, il était bourré de bonnes intentions ou alors juste bourré je sais plus
Enfin bref…
Je vois plein de mouvements et j’me dis il faut que j’y aille OBLIGE…j’descends du bloc et j’vois mon pote MOMO avec son beau survêt orange en train de draguer la gadji du bâtiment d’en face, j’lui fais: « Oh Momo ramène ta viande on va voir c’qui se passe là-haut ». Il lâche la meuf sans même lui dire aurevoir et ouais il est comme ça mon pote MOMO, gentleman jusqu’au bout des ongles…Donc arrivé au niveau d’la foule on voit plein de gars avec des masques et des pancartes de Nicolas Hulot.
On va en voir un on lui dit: » EH GROS C’EST POUR QUOI TON DEFILE ??? ». Il nous ré^pond : »REJOINS-NOUS MON FRERE? REJOINS-NOUS CONTRE LA DEF… ».Pas le temps de finir sa phrase que Momo l’a déjà frappé et dépouillé, j’lui dis : »POURQUOI T’AS FAIT CA ? ». Il me répond : »CH’AIS PAS J’LE SENTAIS PAS CE GARS ». Après ça, on s’est débrouillé pour pécho desmasques et des mégaphones et là on s’est mis à crier n’importe quoi.Au bout d’une heure, y’a les flics qui commencent à débarquer alors nous, vu qu’on adore la police, on leur a balancé les mégaphones en pleine tête et là…une vraie fourmilière de poulets qui sortent d’on ne sait où, on s’est dit merde on a p’têt tapé dans un nid qui sait ? Au final on les a laissé s’faire frapper et nous on a esquivé l’île aux enfants et Casimir et on est rentré chez moi. De ma fenêtre, on les a vu s’faire massacrer. Nous on s’en fout on a rien eu, on s’est bien marré et ça a animé notre soirée…
14h25, une place entre Paul Gauchery et rue Rameau. Cette personne est devant moi, cette seule ligne nous sépare. Je suis seul et pourtant derrière moi, j’entends les murmures d’une foule. Lui et moi sommes dans une bulle.J’ouvre la bouche, sors des sons, mais n’entends pas les réponses que je veux. Je sens la masse derrière moi se rapprocher.Le son se coupe, il y a un bourdonnement. Je ferme les yeux. Je les rouvre et j’entends à nouveau distinctement : » je répète, vous n’avez rien à faire ici, circulez ».
Un cri sourd réponds alors à ma place. Je vois vingt, trente, toute une ligne de eprsonnes couvre la largeur de la rue. Je me sens soulevé. Je sens que je ne peux plus contenir cette masse. Un chant s’élève depuis le fond de la place et résonne. Ce chant percute mes tympans. Le policier recule comme s’il avait pris un coup. Mais il revient face à moi. Je vois l’inquiétude dans son regard. Je suis projeté par terre. Je suis sonné. Je me relève. Il n’y a plus personne. Je vois la ligne de dix centimètres. Cette ligne de terre et d’herbes qui vit entre ces plaques de béton. L’espoir est vie, peut-être cet espoir m’a fait croire, l’espace de trois minutes, que je pouvais changer ma vie et celle de mon entourage.
Tu vois maintenant comme mes rêves sont étranges. Car depuis dix ans, il y a des mouvements de colère à cet endroit précis. Toujours les CRS sont à gauche et les manifestants à droite de la ligne. Cette place est elle-même au centre des manifestations car toute la rue est envahie mais cet endroit est comme mon coeur.
Cette ligne est une séparation physique et irréelle, le bien le mal. Les citoyens qui défendentles droits et dénoncent les problèmes face aux forces de l’ordre, de l’état qui réprimandent sans état d’âme.
Tu vois comme cette idée est étrange mais plausible. Tu m’écoutes mais tu sembles éteint. Tu es gentil de m’écouter mais on dirait que je t’envie.
Tu vois mon rêve peut te donner des idées pour ta manif de demain, j’espère que tu iras plus loin que moi et que tu ne tomberas pas à la première bousculade.
Les vacances sont chez moi depuis 2 semaines. Enfin ! Je sors pour profiter du soleil qui s’étale sur la plaine du Moulon. Arrivant à côté de 2 personnes qui s’exclament, je me retourne pour savoir ce qui les étonne tellement.
A ma stupeur, je découvre que mon appartement est en flammes. Un deuxième s’allume, puis un troisième, un quatrième…
En moins d’une demie-heure, l’immeuble entier est en flammes. Alors je me mets à courir à toute vitesse pour rejoindre l’immeuble, qui explose en certains endroits, lorsque je découvre au milieu de la place, une foule en colère et des policiers qui la bloque.
Les policiers sont en train de bloquer la place et m’empêchent de passer. Pris de panique, je commence à m’affoler, à crier, lorsque j’entends un policier qui me dit de me calmer en me secouant.
Lorsque j’ouvre les yeux, il est 4h du mat et le policier est mon père qui m’a réveillé, car j’ai fait trop de bruit.
Elle est bonne non ?
4 Janvier, 2 heures du matin.Je ma lève, car l’interphone sonne. Je me sens las, tout engourdi, ma vision est contrastée. Je décroche. Une personne me parle avec une voix ralentie, comme si elle allait s’arrêter. J’essaie de lui répondre sans vraiment savoir ce qu’il veut, mais ma bouche ne s’ouvre pas. Je me mets au judas pour me renseigner sur l’identité de cette personne. La lumière s’allume et une masse noire passe. Choqué, je décide de m’installer dans mon canapé pour veiller devant la télé. Le sommeil m’emporte. Dans mon rêve, un maçon. Il tape sur un piquet. Il y a quelque chose d’étrange. Ces vêtements ne sont pas approprié à sa fonction. Je l’interpelle en posant ma main sur son épaule afin de lui signaler.Là, quelqu’un m’appelle en me demandant une clé de 10. Je me retourne. C’est un mécanicien. Surpris, je m’avance en direction du maçon. Il n’est plus là. C’est alors que le mécanicien siffle. Je le regarde et je m’aperçois que lui non plus ne porte pas les vêtements appropriés. Il semble s’amuser à construire des barricades avec des véhicules. Par curiosité, je lui demande ce qu’il fait et il me répond que c’est l’heure. A ce moment, j’entends sonner. Seulement, mon sommeil pesant me ramène dans mon rêve. Je me vois frapper à ma porte. Il y a beaucoup de personnes derrière moi. Je descends au rez-de-chaussée. Je suis réveillé en sursaut. La télé passe la météo du matin. Je n’ai dormi qu’une heure quarante cinq minutes. La présentatrice annonce que nous sommes le 5 janvier. Dans ma tête, tout est chamboulé…Je regarde par ma fenêtre, des policiers et des ambulanciers sont en bas…Une seule question me vient.
Que s’est-il passé ?
Je me promenais rue de Gorgone lorsque je fus pris dans une barricade de quartier !!!:)!!!
Je voyais les gens s’affoler en sortant de toute part, bloquant les rues avec leurs affaires !!!:)!!!
Une femme me tira et me demanda de transporter sses tables et son confiturier à l’extérieur.
Sans réfléchir et sans connaître les raisons de ces personnes à agir, je lui obéis.
:parce que je suis comme ça moi…
Persuq’une heure avait passé et déjà plusieurs rues avaient été bloquées. Les plus jeunes brisaient les vitres de voitures et les fenêtres tandis que les plus vieux sortaient leurs fusils.
Je restais là déboussolé.
Un homme vint m’expliquer qu’on les avait informé que les locataires seraient expulsés et se retrouveraient à la rue.
La police n’arriavit pas à venir à bout de la rébellion entre les jets de pierres, les coups de feu et les fumigènes.
Une dame m’interpela et me poussa dans la rue.
Je pris aussi des pierres, des cailloux ! et tout ce qui se trouvait à portée de ma main pour défendre ce qui, à nos yeux, devint notre territoire.
Je repensais aux paroles du vieux lorsqu’une explosion derrière moi me fit me retourner.
Une voiture garée fumait et brûlait ayant fait des morts.
Dans les bousculades encore je me précipitais.
Je sentis un coup derrière ma tête.