Un chef-d’oeuvre de la bande dessinée, entre humour grinçant et chronique du quotidien : « La Marie en plastique » du scénariste angevin Pascal Rabaté et du dessinateur berrichon David Prudhomme (né à Tours en 1969 mais ayant grandi à Châteauroux et appris le dessin à Bourges en compagnie de Bernard Capo… et invité récemment au festival Bulleberry 2008 en octobre dernier à Bourges), aux excellentes éditions Futuropolis, spécialisées dans la BD adultes de qualité littéraire (ex. « La Ligne de fuite » et « Abdallahi » vol. 1 et 2 de Dabitch).
Cette BD satirique, classée « Essentiel Angoulême 2008 », est d’abord parue séparément en deux tomes distincts, puis rééditée en un seul volume fin 2007… C’est l’histoire rocambolesque d’une famille moyenne, des grands-parents aux petits-enfants en passant par le beau-frère (qui porte bien le surnom de « beauf » !!!), réunie lors de la communion de la fille aînée Lisa, quelque part entre Touraine et Anjou, dans un bled surnommé Bazouges.
C’est aussi et surtout le regard à la fois tendre et acéré de deux auteurs surdoués sur les travers familiaux et les petites chamailleries qu’on connaît tous parfois au sein de sa propre cellule familiale : le vieux couple de septuagénaires qui se déchire tout en s’adorant, sous le toit des enfants qui n’en peuvent plus et rêvent – en culpabilisant ? – de leur départ vers la maison de retraite ; les non-dits et les usures du couple de parents débordés par la vie professionnelle et sa répercussion sur la maison, etc, etc…
Petit extrait représentatif des dialogues savoureux à la Michel Audiard, entre le papy communiste et sa vieille épouse bigote, de retour d’un pèlerinage à la grotte de Lourdes :
– « (…)Gnin gnin… ça te coûterait de venir me chercher ?… Non ! Mais Monsieur préfère faire jaser, Monsieur préfère donner du grain à moudre aux médisantes !
– j’ai une question : tu viens m’attendre aux sorties de mes réunions de cellule (du PC)…? Non ! Alors ? Qu’est-ce que tu viens m’emmerder avec tes retours de Lourdes ?
– puisque Monsieur raconte partout que je me rends dans les Pyrénées pour une « cure »
– je mens pas ! C’est cure-curé ! T’as avalé ton eau bénite de travers ?
– tu es impie, soit ! Mais tu es égoïste et cruel et ça c’est impard…
– ferme ta lourde ! Et écoute, je vais pas te le dire en alexandrins… mais le mécréant, il emmerde définitivement… le clergé ! Le bas-clergé ! Et toutes les grenouilles de bénitier ! Et si tu veux être du lot y’a encore de la place dans la mare !!!
– chameau ! C’est tellement amusant de m’humilier, de me rendre ridicule, hein ?
– non, c’est pas tellement amusant, c’est facile… Mais c’est ça allez ! Va donc les rejoindre tes copines… ces bigotes de mon c… … ces renifleuses de soutane !
– méchant ! Saleté !
– Mais oui, vas-y, crache ton venin… Allez crache !
– Sac à vin !!!
– je ne bois pas !
– Arsouille t’es qu’un arsouille !
– je-ne-bois-pas ! (…) Et que j’t’aboie, et que je t’aboie… Continue, ça m’intéresse…
– Vieux poivrot !
– C’est ça, j’en ferai part à mon cheval ! (…) C’est ça, bon vent, va faire carême, ça nous fera des vacances ! (…) Quand on parle du loup, on en voit le dentier !… ça ne m’aurait étonné qu’elle saute un repas !
– (le gendre) Aïe ! Ils sortent l’artillerie lourde… Tous aux abris, les enfants d’abord !
-(la fille) Je me demande comment Paul fait pour supporter vos gamineries, vos enfantillages ! Vous me faites honte ! Vous n’êtes que des vieux gâteux qui nous polluez la vie… la mienne… celle de Paul… celle des gosses… si ça continue, je vous fous en maison de vieux… A bon entendeur, salut ! C’est froid » (…).
L’intrigue, car il y en a une malgré tout, consiste dans l’évolution étrange d’une pauvre statuette-gourde de la Sainte-Vierge, ramenée du pèlerinage de Lourdes et posée par Mamie sur le télé (au grand dam du papy qui insistera pour en approcher le portrait de Lénine juste au-dessus, pour équilibrer les choses…1 partout !) : celle-ci se mettra soudain à pleurer continuellement du sang, jusqu’à provoquer un chambardement dans le village, où toute la population défilera à la maison afin de se recueillir (ou en simple curieux) auprès de l’ex-voto miraculeux… … … au plus grand désespoir de la famille déjà bien éprouvée ! Seule la venue d’experts venus exprès du Vatican mettra fin à la polémique, à moins que le Ronald McDonald en plastique du fast-food local ne se charge de brouiller les pistes ???
Une BD qui, à défaut de susciter la foi, provoquera de jolis fourires à ses lecteurs : à découvrir à la Médiathèque municipale de St-Florent, dans le rayon Bandes dessinées Ado-Adultes (cote BD PRU).
Très bon choix d’article que ce Roman graphique exceptionnel.
Rabaté est un artiste du dialogue comme la citation du rédacteur le montre très bien d’ailleurs.
Courez l’acheter ou l’emprunter, vous passerez un moment savoureux !!
Merci Stef18. Continuez à faire des articles de cet acabit !
Il y a tellement de chef-d’oeuvre méconnus !!
Burnch
très bonne BD… et très bonne initiative que ce Chermedia
D’accord avec Burnch et Ludivine ! Sur la BD choisie, chermedia, les articles de stéphane, tout ça, tout ça.
De Rabaté j’aime beaucoup « les petits ruisseaux » et « Harry est fou ».
J’avais jamais pensé à retranscrire un dialogue de BD pour en faire la critique… Mais j’avoue que ça marche vraiment bien ! Bon, en même temps, je pense qu’elle s’y prête peut-être plus facilement que d’autres…
En tous les cas, cet article donne vraiment envie de lire « la marie en plastique » 🙂
Merci merci Stéphanie (et les autres), de Rabaté je conseille aussi « Tartine de courant d’air » avec Bibeur-lu : excellente chronique d’un jeune adulte rêveur et amoureux, avec là encore beaucoup d’humour : http://www.bdnet.com/9782869679573/alb.htm
A une prochaine pour la formation Chermedia !
Stef
PS toujours pas changé ta photo ? C’est pas toi ça, Stéphanie ! A la limite, le dessin de la skieuse te ressemble + !!!
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