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Une histoire d’amour…

Alors que je faisais une pause, les reins cassés par cette terre qui me semblait, au fil des ans, de plus en plus basse, mon regard se porta sur une salade. Une magnifique salade qui montrait son coeur doré comme un soleil, encore toute emperlée de rosée matinale. Mais pour qui se fait-elle aussi belle me dis-je ? Certes, pas pour moi qui vais prendre sa vie un jour ou l’autre? Pas pour les autres légumes? Alors pour qui!?
C’est en l’examinant plus attentivement que je compris les raisons de cette attitude lascive. Figurez-vous qu’un gros blanc de Bourgogne lui faisait une cour assidue et la déshabillait sans vergogne! Mes tomates en rougissaient prématurément alors que les poireaux, indifférents, gardaient toute leur raideur militaire dans un alignement impeccable. Sur le coup, exaspéré par autant d’impudence, mon premier geste fut de jeter cet escargot aux orties. Mais fort heureusement, la petite voix de ma raison, si petite qu’à peine perceptible, parvint cependant à stopper cet élan criminel. Et cette petite voix me disait doucement mais avec suffisamment de fermeté: » de quel droit interromprais-tu l’amour d’un escargot pour une salade!? ».
Par jalousie peut-être, pour un plaisir gustatif que je n’aurai pas . Mais son image m’apparut soudain et je l’imaginais,dégoulinante d’huile, face à moi, attendant les derniers moments de sa vie au fond de son saladier…. Non, décidément, je n’avais plus le coeur d’interrompre une destinée quand même plus heureuse que celle que je lui réservais. Cet hermaphrodite pourra donc continuer de baver devant sa « Belle de mai » et profiter de cette jouissance dont lui, ne manque jamais, même dans les plus totales solitudes….
J’ignore encore la raison précise de mon choix, mais ce dont je suis sûr, c’est qu’en épargnant l’escargot et la salade, je me suis soudain senti meilleur.

Pierrot 18


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