Contre vents et marées


Voilà quelques mois, je rencontrai le jeune chanteur Maloh à l’occasion d’un concert aux Bains-Douches. Son beau premier album, 7200 minutes, avait été remarqué par la critique et, du coup, j’ai fait la connaissance du chanteur breton au détour d’une page à mon tour. En fait, la première rencontre fut « virtuelle », par téléphone interposé, quelques jours avant sa venue dans le Berry.

Entrer dans l’univers de Maloh, c’est ouvrir portes et fenêtres à tous vents. S’envelopper dans un ciré jaune pour « aller voir la mer ». Ecouter la pluie cogner contre la vitre. Imaginer un navire chamboulé, par-delà l’horizon indéfini, là où la mer et le ciel se confondent, avec l’équipage qui trime sur le pont. Car le monde de Maloh est posé au bord de la mer. La Manche, plus précisément, puisqu’il a vécu à DInan et y revient encore souvent. Une mer qui change de couleur, bleu foncé ou bleu clair, vert émeraude ou vert sombre, grise, noire et brillante comme du pétrole ou de l’huile.

Avec finesse et sensibilité, Maloh, auteur-compositeur-interprète, dit ses émotions en chantant des hsitoires de bord de mer où le ciel tient une large place. Météo au beau fixe. Ciel bleu, tout au plus quelques nuages blancs. Temps variable. Des nuages gris s’étirent en écorchant le ciel. Vent de force huit. Attention à ne pas mettre la tête dehors. Le chanteur se dévoile avec une infinie pudeur et tout en nuances en faisant ainsi la part belle à la nature qui l’entoure, qui vit, qui change et se transforme. Qui parfois meurt aussi.

Quelques mois plutôt, autre rencontre, même lieu, avec Manu Da Silva un artiste venu lui aussi de Bretagne et voisin de Maloh. Autres ambiances, autres couleurs – l’artwork de l’album de Maloh est dans un camaïeu de bleus, le deuxième de Da SIlva (De beaux jours à venir, 2007) fait plutôt dans le noir et les gris. Mais une seule et même façon d’être imprégné par le ciel et la mer, le vent et la pluie au point de puiser dans ces champs lexicaux riches et subtils pour dire les déceptions et les peines, les espérances et les joies (un rayon de soleil travers ça et là le ciel pour se poser sur les rochers, sur le sable). Pour dire le temps, celui qui passe et celui qu’il fait, au dehors comme à l’intérieur de soi.

Je rapprocherais volontiers Olivier Adam de Maloh et Da Silva, qui se connaissent bien tous deux par ailleurs. Deux auteurs compositeurs, un écrivain. Trois artistes des mots. D’ailleurs, Olivier Adam n’aurait pas beaucoup de chemin à faire puisqu’il habite à quelques encablures, du côté de Saint-Malo. Dans son dernier roman paru en ce début d’année (Des vents contraires, L’Olivier, 2009), il met aux prises avec l’existence un père de famille et ses deux enfants, face à la perte incommensurable de l’être aimé (l’épouse, la mère), la femme disparue soudainement et sans laisser de traces. Une homme, des enfants à nouveau livrés à eux-mêmes, face au vide de l’absence, face à l’incompréhension, à l’absence de toute explication. Une famille en lambeaux, déconstruite (détruite, pas encore tout à fait), chancelante et exsangue au bord de la falaise, quelque part le long de la côte d’Emeraude. Au bord du vide. Absolument tout au bord. A y tomber jusqu’à en avoir le vertige. Là encore, la mer piégeuse à l’envi avec ses tempêtes, la pluie et la neige, le froid, les nuages et le soleil, disent mieux que des mots les sentiments, au risque de se perdre dans cette nature sauvage et changeante, mais pour tenter de se retrouver peut-être aussi. Des vents contraires m’a fait penser à un précédent roman d’Olivier Adam, si beau lui aussi et paru il y a quelques années: Falaises. Avec là encore son lot de personnages qui marchent au bord du gouffre par jour de gros temps, comme s’ils avançaient sur un fil, funambules improbables, en haillons, hésitants et fragiles. Mais le regard droit, fixé sur l’horizon. Et toujours debout.

Alors, un truc de Bretons? Peut-être, mais pas seulement. Parce qu’on est touché par cette sincérité à fleur de peau, par cette vibration –  unique et en même temps partagée – qui traverse l’être comme un frisson à l’écoute de l’un ou l’autre album, à la lecture des romans. Une traversée, en en quelque sorte, dont on ne revient pas indemne. Un peu changé. Différent.


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