Dans les vitrines de la DLP en juin…


Les choix de Jean-François

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[BDA LAR b]. Blast (Tétralogie) / Manu Larcenet (Futuropolis). Roman graphique monstre. Polza Mancini, suspecté d’avoir agressé une femme est interrogé par deux policiers dans un commissariat. Colosse obèse, ex-auteur gastronomique, abonné aux hôpitaux psychiatriques, le type est déstabilisant, sûrement fragile, peut-être explosif. Les enquêteurs l’écoutent dérouler son histoire sans l’interrompre. Et il raconte : la fuite, la zone, la campagne parfois apaisante souvent prédatrice, la misère humaine, la violence (humaine aussi), la détestation de soi, les drogues (alcool, médocs et chocolat)… et la quête, celle du blast, cette onde de choc, cette explosion psychique, ce souffle psychédélique qui le libère de la pesanteur, lui fait côtoyer les géants de l’île de Pâques, les Moaï. Bien que la technique graphique de Larcenet soit limitée il parvient à transcender son dessin par l’inventivité de son trait, par le choix de ses cadrages, du contraste de ses noirs et blanc… et en mettant à contribution ses enfants, pour des explosions de couleurs. Un voyage au bout de la nuit en BD.

 

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[BDA SAC g]. La Grande guerre, le premier jour de la Bataille de la Somme / Joe Sacco (Futuropolis).

Après avoir relaté dans ses BD, la guerre en Bosnie et le conflit palestinien, le dessinateur et journaliste Joe Sacco aborde au travers d’une grande fresque, sans texte, façon tapisserie de Bayeux, le premier jour de la Bataille de la Somme, le 1er juillet 1916. La première image de cette frise représente le général Haig, dit « the Butcher », la dernière un cimetière. Entre les deux la bataille la plus meurtrière de toute l’histoire militaire anglaise : 57000 tués ou blessés pendant cette seule journée (dont 21000 morts lors de la première heure). Dans ce leporello de 7m et de 24 pages (1 page par heure) la maîtrise de la narration (uniquement graphique) nous immerge dans l’effroi de cette journée sanglante.

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[840.914 CEN h]. L’homme foudroyé / Blaise Cendrars. (Denoël). Rescapé de 14-18, écrivain manchot, voyageur inexorable, poète de l’itinérance, prosateur de l’ailleurs, Cendrars, ce fabuleux affabulateur, est l’un des plus grands stylistes de la langue française. Un sculpteur de phrases. « Car écrire c’est brûler vif, mais c’est aussi renaître de ses cendres« . Dans les trois textes,  principalement autobiographiques qui composent ce livre (paru en 1945) il sera question de la guerre (14-18), des routes, des villes, des gitans… et de la liberté. Plus que jamais d’actualité.

 

[R PER j]. Le Judas de Léonard / Léo Perutz (Phébus). Ecrivain (et mathématicien) autrichien, né à Prague en1882. Blessé lors de la première guerre mondiale (ablation à vif de deux cotes), interdit par le régime nazi, il ne cesse de bourlinguer, de la Tunisie à l’URSS en passant par la France et la Palestine. Ses romans érudits et ludiques allient Histoire, enquête et fantastique. Tous se terminent sur un retournement déstabilisant le lecteur, le renvoyant à un questionnement aussi littéraire qu’existentiel.

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[JR LEC p]. Pawana / Jean-Marie Gustave Le Clézio (Gallimard jeunesse). Le Clézio est à son meilleur lorsqu’il pratique la nouvelle qui est chez lui plutôt novella. Pawana avait été initialement publié en 1992 dans une collection pour adulte de la NRF. Dans cette épopée maritime douce-amère, Le Clézio invoque l’âme de Melville, évoque Nantucket et San Francisco, convoque les grandes baleines… et la nostalgie. L’écriture peut parfois à l’instar de la musique nous submerger d’émotions. La preuve.

 

[842 MOU]. Incendies / Wajdi Mouawad (Actes Sud – Papiers). Dans cette pièce, le dramaturge libano-québécois imbrique religion, guerre, famille, identité et mémoire. C’est Phèdre au Moyen Orient, mais Phèdre passée au lance-flamme… tous les protagonistes finiront carbonisés, y compris les survivants. Tous calcinés par la vie. Une implosion des sens qui a comme un goût de cendre.

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[842 RAM]. Histoire du soldat / Charles-Ferdinand Ramuz ; illustrations de Nazario Frattin. (La Joie de lire). Le chantre suisse de la nature et de la grandeur humaine, du drame empreint d’optimisme a aussi écrit du théâtre musical. D’abord différée pour cause de pandémie de grippe espagnole cette pièce fut représentée pour la première fois en septembre 1918 avec la musique d’Igor Stravinski. Quand le militaire s’en mêle, le diable n’est jamais loin, nous dit-il.

 

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[741.642 DAU]. Le petit théâtre de Rébecca / Rébecca Dautremer (Gautier-Languereau). L’auteur convie tous les personnages de ses précédents albums (Cyrano, Alice, Babayaga, Elvis, Séraphin Mouton, l’Amoueux, les Princesses oublièes ….) dans un théâtre d’ombres… coloré et ajouré. De la dentelle, de la poésie, du rêve…. Une gageure… Et un bien bel objet.

  

  

  

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[759.06 STA b]. Nicolas de Staël : une illumination sans précédent / Marie du Bouchet (Gallimard, Découvertes). Gallimard avait publié dans son excellente collection de poche une monographie de ce peintre hors du commun, à l’occasion d’une imposante (et bouleversante) rétrospective à Beaubourg, en 2003. On pouvait y suivre son parcours de l’obscurité (des premières toiles) vers la lumière, son combat artistique, presque vital, qu’il mena avec la couleur, le mouvement et la matière depuis la fin des années trente jusqu’à son suicide, en 1955, en pleine gloire.

 

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[910.41 MAR]. 3 ans de voyage : 25 pays par voie terrestre en histoires et en images / Claire & Reno Marca. (Ed. de La Martinière). Ecrivains et illustrateurs indépendants, les auteurs ont fait de leur passion, le voyage, l’illustration, leur profession. Outre leur travail pour divers journaux (Grand reportage, Terre sauvage…) ils publient régulièrement de somptueux carnets de voyage richement illustré d’aquarelles, et de photos d’où l’humanité n’est jamais absente. Des textes éclairants ne font qu’ajouter, en nous guidant, aux charmes de leur périple. Lire les albums des Marca est déjà un voyage.

 

 

[793.734 PER]. Anagrammes à la folie / Jacques Perry-Salkow & Sylvain Tesson. (Les Equateurs)

Rencontre au sommet entre un fondu d’anagrammes et un voyageur graphomane. Cela donne un feu d’artifice étourdissant et brillant.

Des exemples ?

Louis-Ferdinand Céline : Noir dans un ciel de fiel

Voyage au bout de la nuit : et la vie a un goût d’ boyau

Toussaint Louverture : Sursaut et révolution

Le penseur de Rodin : Perdu en son délire

Le pesticide Round up : Le pire coup du destin

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[EA SMA d]. La dame des livres / Heather Henson ; ill. par David Small (Syros jeunesse). Années trente, dans les Appalaches (USA) des femmes bibliothécaires parcourent à cheval, tous les quinze jours, par tous temps et en toutes saisons, ces montagnes inhospitalières, pour apporter des livres aux quelques rares habitants isolés. Beau dessin, fragile, vivant, tout de courbes légères, et illuminé d’aquarelles, de l’immense David Small.

D’après une authentique expérience, un récit sur l’abnégation, la solidarité et le pouvoir des livres, comme le découvrira Cal, le jeune narrateur. Bouleversant !

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[EA WIE  m]. Mardi / David Wiesner (Il était deux fois). Dans tous les albums de David Wiesner, illustre illustrateur étatsunien couvert de prix, il est question de ciel, de légèreté et d’envol. Ici plus que jamais. Qu’est ce que ça raconte ?  Je ne sais. Il est question de crapauds planant de nuit au dessus de la campagne, puis survolant perchés sur des nénuphars la ville (presque) endormie… et c’est déjà beaucoup ! Attention à la chute !

 

 

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[EA DED d]. Dragons de poussière / Thierry Dedieu (HongFei). « Une légende chinoise veut que, parfois, un peintre voit apparaître dans sa calligraphie une tête de dragon. Alors il sait qu’il est un artiste accompli. » Faute de l’avoir aperçu, Li Young Pei, peintre et héros de cet album a cessé toute activité artistique pour se faire domestique. Mais l’art peut emprunter des voies détournées. Dedieu, artiste protéiforme au style mouvant interroge le processus créatif à travers ce conte philosophique pour la jeunesse où l’on croise maints dentus et griffus dragons, spectaculairement graphiques.

 

[R DEL p]. Le poids du papillon / Erri de Luca ; Lu par Jean-Pierre Lorit (Gallimard, Ecoutez lire).

La vie d’Erri de Lucca est conforme à ses engagements politique et humain, d’une grande probité. Il travaille comme ouvrier dès la fin de ses études pour ne pas s’éloigner du peuple, apprend le yiddish, l’hébreu pour traduire la bible, s’engage dans des actions humanitaires,  écrit des romans, des souvenirs, des poésies… Dans ce texte il confronte un grand chamois est un braconnier, tous les deux en fin de parcours, pour un ultime duel mortel. Et le papillon du titre ? La beauté du texte n’a pour équivalence que la splendeur moirée de ses ailes.

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[3 SAT 1]. Avant-dernières pensées / Erik Satie ; Alexandre Tharaud (Harmonia Mundi). Le mystérieux, excentrique et génial Satie dans une sélection d’œuvres jouées au piano par le prodige Tharaud. Sur deux CD, « Les gymnopédies« , Les gnossiennes« , bien sûr, mais aussi des duos (piano, trompette…), des chansons de cabaret (avec Juliette au chant), de la musique de film (pour René Clair) … Des trésors de simplicité (feinte) ou d’extravagance.

 

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[2 CEL 8]. Quel punto / Adriano Celentano. (Clan). Dès les années 60 ce chanteur introduit le rock en Italie. Très populaire dans les années 70, il tourne au cinéma tout en enregistrant nombre d’albums passionnants. Le Johnny Hallyday transalpin…. Mais en mieux. Dans les années 2000, il dézingue Berlusconi dans ses émissions télévisées mais sans se prendre trop au sérieux, comme le prouve « Quel punto » dans les années 90. Ne pas se laisser influencer par la vilaine photo de la jaquette.

 

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[9.15 CIS]. Séno / Ba Cissoko. (Play it again Sam). Electrifier l’instrument sacré, la kora, il fallait oser. Ils l’ont fait et c’est une réussite. Dans ce troisième album le groupe guinéen (Ba Cissoko, Abdoulaye, Kourou & Sékou Kouyaté, Ibrahima Bah) fusionne rock, musique mandingue, et rythmes latins pour un résultat plus roots et traditionnel que sur ses précédents opus.

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