Quand j’évoquais la trilogie préparatoire (personnages, lieux, canevas), j’ai pu donner l’impression qu’il s’agissait d’un cadre assez rigide, de ces autoroutes dont on ne peut ni dévier, ni modifier le tracé. La réalité est toute autre.
Depuis que j’ai commencé le véritable travail d’écriture, j’ai eu affaire à deux difficultés : l’articulation entre réel et fiction d’une part, les défauts de rythme en matière de construction.
J’étais en effet parti pour écrire la partie fictionnelle de l’œuvre, et pour y insérer ensuite les éléments de réalité – les faits. Je me suis vite aperçu que cela rendait ma tâche beaucoup plus complexe. Je manquais de repères. L’inverse n’aurait pas été mieux. Il m’a donc fallu repartir en mélangeant beaucoup plus les deux aspects de l’œuvre : de fait, la durée de l’intrigue s’est resserrée, et légèrement décalée, pour s’inscrire à une période de l’année 2008 en harmonie avec l’action.
C’est à cet instant que j’ai eu l’idée de faire d’une valeur « le pouls » du roman, du monde dans lequel il vous immerge, qui dicte, influence ou impacte, de façon plus ou moins consciente, le comportement et les motivations de chacun des personnages. En tête de chapitre, là où d’autres se plaisent à afficher des citations, j’affiche la valeur réelle du jour de ce cours de bourse. Jusqu’au titre du roman, probablement, encore qu’à ce stade, et en attendant d’avoir un jour un éditeur, le titre n’est que provisoire. D’un nombre devenu un symbole, il est partout, et donc potentiellement obsessionnel… Ce choix m’a eu l’air plus pertinent. Jusqu’à présent.
Dans mon grand jeu de construction, si la fin de la première partie consiste, en une série de trois ou quatre chapitres, à monter en tension et à multiplier les rebondissements – et/ou révélations -, j’avais envisagé de démarrer ma deuxième partie par une entrée en matière plus douce, une façon de reprendre son souffle. A mesure que j’écrivais ce chapitre, résumé de quelques jours entre le dernier chapitre de la première partie et le moment présent, centré uniquement autour de trois personnages principaux, j’ai senti un profond malaise.
Je brisais deux dynamiques : une dynamique de lecture, et par voie de conséquence, une dynamique d’écriture. La cassure était trop violente, ce chapitre trop long au regard des nombreux précédents, la reprise d’un rythme échevelé délicate.
Ce devait être un huis clos relativement étouffant, une sorte de guerre d’usure entre personnages majeurs. A mesure que je l’écrivais, je me rendais compte qu’il en devenait asphyxiant, alors même que ses effets seraient sans doute identiques s’il était entrecoupé par d’autres chapitres relatant l’action des autres personnages dans ce laps de temps. L’immobilité des uns, comparés aux mouvements des autres, est un contraste tout aussi saisissant. Une forme d’unité dans la construction du roman s’imposait donc à moi et s’impose encore… Jusqu’à présent.
D’ici la fin du premier jet, et encore plus probablement lors de la première série de modifications, je me heurterais probablement à d’autres problèmes de ce genre.
A froid, avec la vision de l’ensemble de l’œuvre, je vais peut-être juger que les solutions que j’avais trouvées ne sont plus les bonnes. Le ressenti de mes premiers lecteurs – j’en connais qui sont impatient(e)s -, et leurs observations, pourront également me conduire à modifier par endroits la structure du roman.
C’est finalement une erreur de croire que l’écriture de fiction n’est qu’un jeu complexe de l’imagination : c’est aussi un formidable jeu de construction.