Annette, une enfant cachée dans un village du Berry 2


jaquette

Anna Zaks, jeune fille juive de 12 ans, est cachée à partir de 1942 et pour le restant de la guerre par un couple de paysans d’Ivoy-le-Pré, Isidore et Léontine Boyau. L’année de son arrivée à Ivoy, ses parents Israël et Masha ZAKS, immigrés juifs polonais, et sa soeur Eva, sont déportés et assassinés à Auschwitz après avoir transité par les camps de Pithiviers ou Drancy, antichambres des centres de mise à mort et des camps de concentration.

En 2009, les élèves d’une classe de troisième du Collège d’Henrichemont sont allés à la rencontre des témoins de cette histoire: Colette, fille d’Isidore et Léontine, une cousine de Colette, et les trois filles d’Anna. Ils en ont fait un film, aidés par le vidéaste et documentariste Yann Guillemain, leurs professeurs de Français, d’Histoire et le documentaliste du Collège.

Le film relate l’histoire d’Anna/Annette mais aussi, et c’est son originalité, aborde la difficulté qu’il y a à témoigner lorsque si peu de choses en somme, ont été transmises.

Le récit est construit sur les entretiens menés par les élèves et sur quelques écrits de la main d’Annette rédigés longtemps après, comme cette lettre adressée au Cardinal Lustiger, d’origine juive polonaise comme elle, pour attirer l’attention sur « des gens, sur un village qui n’a jamais fait parler de lui». Il montre la difficulté pour la deuxième génération, à reconstituer une histoire et un héritage qui ne se sont pas vraiment transmis, car Anna est décédée en n’ayant livré à ses trois filles que des bribes de son histoire et avec elles, ses craintes.

Comment raconter les jours heureux à Ivoy-le-Pré, et en même temps, le drame intime vécu par une enfant qui ignore ce que ses parents sont devenus? Comment partager le vide ressenti par la disparition des siens à la fin de la guerre? Comment vivre comme juive après la guerre, lorsque tant de ses proches et de ceux qu’on a connus ont été assassinés pour cela? Comment aujourd’hui transmettre à son tour l’histoire d’une mère qui communiquait si peu sur cet épisode de sa vie?

Ces questionnements imprègnent les propos des trois filles d’Annette mais aussi le montage lui même. La narration mêle les témoignages comme une reconstruction d’une mémoire commune. Les plans noirs qui surgissent dans le film en montrent les hésitations et les tâtonnements. Ils sont utilisés aussi pour montrer l’ « immontrable » comme ce plan noir sur la lecture de la dernière lettre de Masha à Annette, écrite au lendemain de la rafle du Vel d’Hiv. Les plans de coupe du village et des environs nous rappellent l’actualité des thèmes soulevés et soulignent que Annette est un film d’aujourd’hui, fait par des jeunes d’aujourd’hui. Ils donnent au spectateur la distance nécessaire pour réfléchir, comprendre, mais aussi pour entrer progressivement dans l’intimité du récit.

Car Annette est un film intime. Sa justesse dans les moyens narratifs est au service de la simplicité des témoins et de la confiance qu’ils ont accordée à des auteurs âgés de 14 ou 15 ans, qui les filment et les enregistrent. Colette Boyau évoque la vie humble de ses parents, agriculteurs à Ivoy-le-Pré et la simplicité de leur acte, celui de protéger une enfant (juive). Interrogée sur l’héroïsme d’une telle action par les élèves, Colette affirme que ses parents « n’auraient pas voulu qu’on les considère comme des héros ». Ils recevront à titre posthume la médaille des Justes en 1996. Le film est aussi un hommage optimiste à ceux qui ont pris des risques pour sauver des Juifs pendant l’Occupation, n’écoutant que leur cœur et leur courage, permettant à la vie de continuer, malgré tout.

Présenté lors de l’édition 2009 des Futurs de l’Ecrit à Noirlac et la même année au festival Bandits-Mages à Bourges, Annette sort aujourd’hui en DVD, édité par le CRDP du Centre. Le livret d’accompagnement présente la démarche conduite par les enseignants et l’artiste Yann Guillemain . Il introduit les bonus vidéo et les fichiers PDF contenus dans le DVD, qui permettent de découvrir des travaux d’élèves et la progression pédagogique mise en place. Ce livret est préfacé par ailleurs par Rémy Knafou, professeur émérite à Paris I Panthéon-Sorbonne et membre de la direction du Comité français pour Yad Vashem. Enfin, le DVD comprend une oeuvre sonore réalisée par Yann Guillemain et basée sur des entretiens avec les élèves qui reviennent ainsi sur cette belle expérience.

Le DVD est en vente auprès du CRDP du Centre et des CDDP de chaque département. Renseignements au 02 48 67 54 20.


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2 commentaires sur “Annette, une enfant cachée dans un village du Berry

  • mallet

    ma fille Marie fait partie des élèves du collège d’Henrichemont, qui ont participé à la réalisation de ce DVD. Elle a été très éprouvée par ce témoignage. Les personnes qui peuvent transmettre l’histoire de leurs familles permettent à nos enfants de savoir ce qui a pu se passer.

  • mallet marie

    merci maman de témoigner le ressenti que j’ai eu lors des annonces de ces témoignages très émouvants. Ces histoires valaient bien d’être connues pour le bien de cette famille.