La Légende de nos Pères de Sorj Chalandon chez Grasset
Ou comment les pères racontent (ou pas…) l’Histoire à leurs enfants… L’Histoire ou plutôt leur histoire…
Marcel Frémaux est biographe familial. « Je rédigeais la mémoire des autres, mais pas seulement. » Il est lui-même en manque de l’histoire de son père, héros de la résistance. « Il avait deux enfants, mais j’ai cru longtemps qu’il n’en avait qu’un. Lucas était son grand, son préféré, son fils. Dix ans de différence et tout un monde, aussi. Il parlait à Lucas, il jouait avec moi. »
Quand Lupuline Beuzaboc lui propose de rédiger la biographie de son propre père Tescelin Beuzaboc, lui aussi résistant, il se lance dans l’aventure, rêvant probablement à une réparation possible (une apparente similitude de vie lui permettant de retrouver l’histoire paternelle). Rendre hommage à ces résistants, à leur bravoure, à leur dignité, c’est à cette mission que s’attelle notre biographe, répondant ainsi à la demande de Lupuline, bercée depuis son enfance par le récit de ces hauts-faits. En effet, tout semble clair dans la vie de Beuzaboc même si les actes commis contre l’occupant allemand (le sauvetage de l’aviateur anglais, l’assassinat d’un officier de la Wehrmacht, le sabotage d’un train,…) provoquent des représailles insupportables pour les civils. Pourtant au fil des rencontres entre le vieil homme et son biographe, le flou s’installe et la véracité des faits semble de plus en plus douteuse. « Et soudain, je me suis demandé si mon client disait la vérité. Vérité. Le mot m’était venu un peu plus tôt, au moment de m’asseoir dans le salon du vieil homme. Tout ce que celui-ci racontait était-il vrai ? Ou pouvait-il être vrai ? Ou pouvait-il ne pas l’être ? Et puis quoi ? Après tout, peu m’importait. »
Quelle va donc être la position du biographe, sa loyauté à son propre père et que faire de la douleur qu’il devine chez son interlocuteur ?
« Beuzadoc observait mon trouble.
– Vous savez ce que vous avez hérité de votre père ?
Il a joué avec sa canne, laissant mon regard de côté.
– Vous avez hérité de sa vérité.
Beuzadoc s’est levé. Il ma tourné le dos.
– Et moi, je ne veux pas léguer mes mensonges. »
Un roman fort, une écriture limpide et précise. J’avoue avoir été souvent bouleversée, probablement parce qu’issue de la même histoire, celle des combattants. A lire et à partager !
Un roman découvert dans le cadre du partenariat avec les Chroniques de la rentrée littéraire